Quelles sont ces nouvelles souches de Covid-19?
Détecté en novembre au Royaume-Uni, le variant B.1.1.7, désormais appelé VOC 202012/01 - "Variant Under Investigation" (variante en cours d'investigation) -, trouve "probablement" son origine dans le sud-est de l'Angleterre en septembre, selon l'Imperial College de Londres.
Un autre variant, appelé 501.V2, est désormais majoritaire en Afrique du Sud. Il a été détecté dans des échantillons remontant au mois d'octobre, puis a été repéré dans quelques autres pays du monde, notamment le Royaume-Uni et la France.
Ces deux variants présentent plusieurs mutations dont l'une, nommée N501Y, est au centre de toutes les attentions. Elle se situe sur la protéine spike du coronavirus, une pointe à sa surface qui lui permet de s'attacher au récepteur ACE2 des cellules humaines pour les pénétrer et joue ainsi un rôle clé dans l'infection virale.
"Il n'y a pas de relation clairement établie entre l'attachement à l'ACE2 et une transmissibilité accrue, mais il est plausible qu'une telle relation existe", estime le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC).
Ces variants sont-ils plus contagieux?
Les chercheurs demeurent très prudents et n'ont pas encore pu faire de tests en laboratoires qui démontrent la capacité des nouvelles souches à infecter plus facilement une cellule humaine.
Les hypothèses scientifiques vont néanmoins dans ce sens après des études observatoires réalisées au Royaume-Uni, pays où la courbe des cas a fait un bond spectaculaire ces derniers jours.
"Je ne pense pas que nous ayons toutes les preuves scientifiques à ce stade, mais celles dont nous disposons vont dans cette direction", explique Emma Hodcroft, épidémiologiste à l'Université de Berne.
"Au Royaume-Uni, les chercheurs ont fait déjà un très grand travail autour de ce nouveau variant, en faisant des modélisations ou en observant quelle proportion des cas contacts tombent malades à leur tour. Ils arrivent à la conclusion que cette nouvelle souche est plus transmissible", développe Emma Hodcroft.
Pour leur dernier rapport, publié jeudi, les chercheurs de l'Imperial College de Londres ont analysé des milliers de génomes de virus du Sars-CoV-2 séquencés entre octobre et décembre. Selon deux méthodes différentes, ils en concluent que ce variant a un "avantage important" en termes de contagiosité: 50 à 75% plus contagieux, ou un taux de reproduction du virus (R) entre 0,4 et 0,7 supérieur au virus habituel.
Les résultats préliminaires concernant le variant sud-africain font également état d'une plus forte transmissibilité, mais moins de données sont disponibles.
Certains experts estiment malgré tout qu'il n'y a pas assez de données pour évaluer avec certitude la contagiosité des deux variants.
"Il n'y a aucune information sur le fait que les infections par ces souches soient plus graves", note l'ECDC. Mais le risque "en termes d'hospitalisations et de morts est élevé".
Le variant touche-t-il aussi les enfants?
Les études réalisées à ce jour sont assez contradictoires. Les premières recherches sur le variant britannique font état d'une plus grande contamination des jeunes de moins de 20 ans.
Il faut cependant recontextualiser la chose: en Grande-Bretagne, tout a été fermé avant Noël, sauf les écoles. Logiquement donc, le milieu scolaire est devenu un lieu plus important de propagation.
Néanmoins, rien n'indique dans l'absolu que les enfants seraient plus touchés qu'avec le virus précédent.
Ces nouvelles souches pourraient-elles résister aux vaccins?
Chez les virologues, il n'existe encore aucune certitude quant à cette question. Mais il n'y a pas non plus vraiment d'inquiétude.
"Cela peut en théorie baisser un peu la protection qui est donnée par le vaccin, mais ça ne veut pas dire que l'on n'est moins protégé. Avec ce vaccin ARN, c'est aussi plus rapide pour changer le vaccin et l'adapter aux souches qui circulent", explique Valeria Cagno, chercheuse au Département de microbiologie du CHUV.
Connaît-on l'ampleur de la propagation en Suisse?
Selon les séquençages effectués depuis deux semaines en Suisse sur les tests positifs, moins de 1% des cas recensés sont issus de ces nouvelles souches. Ces analyses sont toutefois réalisées en petites quantités.
Mardi, l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) faisait état de 28 échantillons contenant les nouvelles souches du virus dans sept cantons, dont Vaud, le Valais et Genève. L'OFSP annonçait aussi vouloir analyser 500 échantillons par semaine, voire toutes les deux semaines.
En comparaison, le Royaume-Uni a investi 24 millions de francs dans un programme de séquençage permettant d'analyser 10% des tests positifs.
"Notre réponse en termes de santé publique devrait être de garder un oeil sur ces nouveaux virus et ce qu'ils provoquent. Je pense que dans les prochaines semaines, une des choses les plus importantes à faire est d'échafauder un plan. Il faut se préparer au fait que cela peut se produire en Suisse également", estime Emma Hodcroft.
Les autorités devront donc ficeler un plan pour faire face à ces nouvelles souches mutantes et aux potentielles autres qui pourraient suivre. Objectif: éviter d'être pris de court et fixer des seuils à partir desquels de nouvelles mesures seront nécessaires.
"Ce nouveau variant peut se comporter comme une nouvelle pandémie dans la pandémie. C'est-à-dire qu'il pourrait se propager de manière exponentielle et ajouter une nouvelle vague à celle déjà existante", craint Virginie Masserey, cheffe de la section contrôle de l’infection et du programme de vaccination à l'OFSP.
Sujet radio: Sophie Iselin
Adaptation web: Jérémie Favre