Les vaccins à ARN messager pourraient être utiles en oncologie, car virus et cancer ont des points communs. Historiquement, il y a eu des transferts de connaissances dans la recherche sur les deux domaines.
La tumeur cancéreuse mute, ce qui fait écho à la pandémie actuelle où l'on constate que le coronavirus produit des variants.
"Comme chaque mutation est propre au patient et à la tumeur, on est obligé de générer pratiquement un vaccin pour chaque patient", explique Olivier Michielin, médecin chef du Centre d'oncologie de précision au CHUV. "On a relativement peu de temps, puisque la maladie est assez agressive: il faut être capable, en quelques semaines, d'arriver à un produit qu'on peut injecter chez le patient. Donc c'est pour cela que ces techniques ARN sont extrêmement intéressantes pour l'oncologie: cela va nous permettre de créer un vaccin personnalisé pour chaque patient si, bien sûr, la preuve de l'efficacité est faite dans les années à venir", ajoute-t-il au micro de La Matinale.
Des vaccins à ARN messager intéressants, parce qu'ils sont agiles et rapides. En effet, une fois connue la séquence du virus, Moderna aurait fait le design de son vaccin en deux jours seulement.
Pour le cancer, il y a déjà eu des essais cliniques avec cette technologie dès le début des années 2000. A l'époque, la Suisse était à la pointe; Swissmedic a même été la deuxième autorité de surveillance des médicaments au monde à analyser les ARN messagers.
Les résultats de ces essais n'ont pas été complètement concluants. Le vaccin a induit une réaction immunitaire, il a activé des anticorps et, donc, atteint son but. Toutefois, cela n'a pas empêché les tumeurs de s'échapper et se propager. Déjà sceptique, le milieu académique n'a pas vraiment cru en l'ARN messager. Et l'industrie n'a pas voulu investir trop d'argent sur une technologie qui ne promettait pas de retours sur investissement.
L'ARN messager, un super-héros?
Aujourd'hui, l'ARN messager, porté par un nouvel élan, est perçu comme le super-héros. Il est à nouveau testé pour le cancer: les laboratoires Moderna et BioNTech y travaillent. C'était d'ailleurs déjà le cas avant l'arrivée du Covid-19, qui est devenu la priorité. Les recherches en sont aux essais de phase II.
Et, comme on a pu apprendre par le passé que le vaccin seul ne suffisait pas, les nouveaux tests se font en bithérapie: "Les études faites ces quarante dernières années, avec différents types de vaccins anti-cancer, nous montrent que ces vaccins, en monothérapie, sont capables d'induire des réponses immunitaires", remarque l'immunologiste Steve Pascolo, l'un des pionniers de l'ARN messager, chercheur à l'Université de Zurich. "Mais ces réponses immunitaires seules ne contrôlent pas la pousse des cancers. Donc maintenant, ce que tout le monde fait, en vaccins anti-cancer ‒ y compris vaccins ARN anti-cancer ‒ c'est de combiner les vaccins avec d'autres modalités ‒ qui sont des chimiothérapies, des radiothérapies ou des immunothérapies ‒ pour obtenir des synergies entre le vaccin et les autres modalités, pour une meilleure efficacité anti-cancer des traitements".
Ce qui se passe aujourd'hui avec le Covid-19 pourrait accélérer les choses pour le traitement du cancer. Alors qu’ils étaient peu nombreux à croire en l'ARN messager, désormais, cette technologie a passé les tests et les homologations: cela donne des forces aux laboratoires et de la confiance aux scientifiques.
Et peut-être que cela pourrait aussi ouvrir des fonds pour la recherche. Pour Steve Pascolo, il faudrait maintenant des investissements publics: cela permettrait de faire avancer les essais en oncologie, mais aussi pour des maladies rares, là où l'industrie n'est pas intéressée à investir.
Sujet radio: Alexandra Richard
Adaptation web: Stéphanie Jaquet