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Pourquoi le séquençage du nouveau coronavirus doit être une priorité

Comment surveille-t-on les variants du coronavirus ? (vidéo)
Comment surveille-t-on les variants du coronavirus ? (vidéo) / La Matinale / 3 min. / le 12 mars 2021
Dans la pesée d'intérêts que doit faire le Conseil fédéral vendredi dans le cadre de la lutte contre la pandémie, une menace de poids est celle des nouveaux variants du coronavirus. Les scientifiques soulignent l'importance du séquençage.

Il existe actuellement des centaines, voire des milliers de souches différentes du SARS-CoV-2. On en a du reste encore découvert une jeudi, avec des voyageurs en provenance de l'Ile d'Antigua, dans les Caraïbes.

La plupart du temps, ces mutations sont totalement inoffensives. Elles font partie du développement normal d’un virus et ne produisent que des changements infimes dans sa structure. Mais certaines d'entre elles inquiètent plus la communauté scientifique que les autres, car elles peuvent modifier la virulence ou même la létalité du pathogène.

Virulence ou létalité plus fortes

"Certains variants ont tendance à augmenter à un taux plus élevé que d'autres", explique Christophe Dessimoz, chef d’équipe à l’Institut Suisse de Bio-informatique, vendredi dans La Matinale. "Et ça a été remarqué justement avec le variant B.1.1.7 découvert en Angleterre. C'est une information très importante, qu'on obtient du séquençage", précise ce professeur à l'Université de Lausanne, qui suit depuis le début l'évolution du SARS-CoV-2.

Car c'est le signe d'une mutation qui prend le dessus sur les autres et qui devient dominante. En début d'année, c'était le premier signal d'alarme pour les scientifiques, qui ont tout de suite décelé avec ce variant une plus grande adaptabilité du pathogène au corps humain.

L'exemple du variant sud-africain

Le risque est donc que plus de personnes tombent malades, mais aussi que ces mutations successives permettent au coronavirus d'échapper au vaccin. C'est ce qu'on a pu voir en Afrique du Sud.

"On a une mutation dans la souche dite sud-africaine, qui est d'ailleurs plus ou moins la même que la souche brésilienne, qui fait que le vaccin d'AstraZeneca ne marche pas", souligne Didier Trono, responsable du Laboratoire de virologie et de génétique de l'EPFL et membre de la Task Force scientifique.

"Et c'est pour ça qu'il a été retiré de la distribution en Afrique du Sud", précise-t-il. "On s'est aperçu que les gens vaccinés avec ce vaccin se faisaient infecter tout aussi allègrement, avec des maladies aussi graves, que les gens qui n'avaient pas été vaccinés".

Menace moindre avec la vaccination?

Les vaccins à ARN messager comme ceux de Moderna ou Pfizer, en revanche, semblent moins sensibles à cette mutation, même si les données n'ont pas encore été consolidées. On pourrait donc imaginer que la menace va s'amoindrir au fur et à mesure qu'avance la campagne de vaccination. Mais ce n'est malheureusement pas vraiment le cas.

"Une fois qu'on a des gens immunisés dans la population, cela crée un filtre", explique Didier Trono. "Si bien que les seuls virus qui vont se propager sont ceux qui pourront échapper à cette immunité. Donc le virus sera sous une contrainte sélective qui n'existait pas précédemment. Avant, il n'y avait pas de raison qu'un virus résistant à un vaccin émerge. Alors que maintenant, il va y avoir une sélection de mutants qui peuvent échapper" au vaccin.

Devenir une priorité de santé publique

Il est donc toujours plus important de déceler les virus résistants et de limiter leur propagation. Mais en Suisse, il n'y a pas de soutien fédéral pour suivre à la trace ces virus. Tout repose sur des initiatives individuelles de séquençage.

La RTS a cependant appris que des négociations sont en cours entre l'Office fédéral de la santé publique et les différents laboratoires qui ont jusqu'ici payé de leur poche la détection de ces variants. L'idée serait que le séquençage de ce virus ne soit plus uniquement un objet de recherche, mais véritablement une priorité de santé publique.

Sophie Iselin/oang

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