"A force de vouloir bien faire avec mes enfants, je me suis complètement perdue"
Le burnout parental peut être identifié par trois grands symptômes: l'épuisement physique et émotionnel, la distance émotionnelle qui met les gens en pilote automatique, et encore la perte de plaisir dans le rôle de parent.
Cette étude est parue dans la revue Affective Science le 18 mars. Elle a été codirigée par Isabelle Roskam, professeure de psychologie du développement à l'Université de Louvain, en Belgique.
La recherche montre que le burnout parental est universel mais que les pays occidentaux, riches et individualistes, sont les plus touchés. La culture d'un pays joue un plus grand rôle que les facteurs socioéconomiques ou sociodémographiques.
"Dans un pays individualiste, la parentalité – comme beaucoup d'autres choses – devient une activité très solitaire. Or, dans des pays africains, un dicton dit que, pour élever un enfant, il faut tout un village", remarque Isabelle Roskam au micro de La Matinale. "Nous avons complètement perdu cette dimension collective des soins et de l'éducation des enfants. On sait que le rôle parental, c'est beaucoup de tâches, de responsabilités, parfois beaucoup de pression, et que le fait d'aller chercher de l'aide ailleurs, c'est presque pris comme un aveu de faiblesse".
La chercheuse remarque une hésitation à demander de l'aide, parce que c'est un constat d'échec: "Comme si on n'était pas capable de prendre soin de ses enfants, et ça c'est quelque chose qui n'est pas acceptable".
L'individualisme est aussi associé à des valeurs de compétition et de performance: "Tout le monde ambitionne d'avoir des enfants qui réussissent mieux que celui du voisin, d'être le meilleur père, la meilleure mère. En général, ce sont des parents qui ont voulu être de très bons parents, qui se sont beaucoup investis, et qui un jour s'effondrent", note-t-elle.
En Belgique, 8% des parents sont victimes de burnout parental. En Suisse et en France, le taux est d'environ 6%.
Pour Isabelle Roskam, le perfectionnisme parental est très présent dans nos sociétés. Chaque personne doit être à l'écoute de ses propres besoins mais, lorsque l'individu devient parent, l'injonction est d'écouter d'abord les besoins de ses enfants.
Alors, souvent, le parent culpabilise quand il prend du temps pour soi.
Perdre son intuition
Etre parent est un sujet très étudié, notamment avec le concept de parentalité positive. Au lieu de faire confiance à leur intuition, les parents écoutent les experts.
C'est ce qui est arrivé à Anne-Sophie, 32 ans, mère de trois enfants. A force de vouloir "bien faire avec [ses] enfants, [elle] s'est complètement perdue. Elle a perdu son intuition".
Elle a pu nommer ce qui lui arrivait: "Le déclic, ça a été quand j'ai écouté une émission qui parlait du burnout parental dans ma voiture. Je me suis mise à pleurer sans discontinuer pendant plus de trois heures tellement je me reconnaissais dans les témoignages des parents qui ont pris la parole. Je me suis rendu compte qu'il y avait vraiment un problème quand j'étais dans des moments d'irritabilité totale avec les enfants. Je perdais patience très rapidement, j'en venais à dire des choses horribles à mes enfants ou, même, je les frappais physiquement – n'ayons pas peur des mots".
Pour la jeune femme, cela a été un déclenchement pour se dire qu'elle avait besoin d'aide: "J'ai eu l'envie de ne pas revenir à la maison. Et aussi le fait de se sentir tellement épanouie au travail ou avec son cercle d'amies et d'amis... et de fuir – pratiquement à tout prix – le foyer", explique-t-elle.
Elle s'est rendu compte qu'elle n'était plus "le même parent qu'avant: on fait les choses de manière complètement automatique, on est porté sur la logistique de l'enfant – le faire manger, l'habiller, le doucher et le coucher – mais, quelque part, il n'y a plus du tout de moments de plaisir partagés, de contact émotionnel avec l'enfant. Cette distanciation est très perturbante quand on a pris l'habitude de tellement s'investir auprès de ses enfants".
Le droit à l'imperfection
Pour les autrices de l'étude, pour prévenir le burnout parental, il faudrait revenir à une dimension plus collective de la parentalité: avoir plus d'entraide, de bienveillance. Admettre que oui, les parents pètent parfois les plombs.
Il faudrait être "un parent suffisamment bon", et pas parfait! Premièrement parce que la perfection est impossible, et puis parce que chaque enfant a besoin d'avoir un parent imparfait, afin qu'il ou elle sache avoir aussi le droit, parfois, à l'imperfection.
Sujet radio: Pauline Rappaz
Adaptation web: Stéphanie Jaquet