La très puissante autorité américaine du médicament, la FDA, a donné lundi un feu vert temporaire au produit du laboratoire Biogen, l'aducanumab, conditionné à de nouveaux tests d'efficacité. Cela fait près de vingt ans que ce n'était pas arrivé. Réaction immédiate: la valeur boursière de son fabricant, le groupe Biogen a bondi de 38% à Wall Street.
Pas forcément une avancée
C'est en effet un événement médical, mais pas forcément une grande avancée médicale. Car l'efficacité de l'aducanumab est contestée depuis un moment. En 2019, deux essais cliniques ont été arrêtés. Biogen avait admis ne pas y arriver: pas d'amélioration ni de la mémoire, ni de la réflexion des patients.
Mais un peu plus tard, Biogen indique finalement qu'en réanalysant ses données, le laboratoire a trouvé que ça peut marcher, sur certains patients, à condition de prendre des doses élevées longtemps.
Echec d'homologation
Et pourtant, en novembre dernier, l'homologation échoue devant la FDA, une autorité d'ailleurs divisée sur ce médicament, et qui, lundi, a finalement donné son feu vert conditionnel: Biogen doit encore mener des études pour prouver cette fois l'efficacité.
Même si ce médicament doit encore faire ses preuves, c'est un événement malgré tout. C'est d'abord un signe très fort pour les autres laboratoires: il y a actuellement 126 produits dans 150 essais cliniques à travers le monde qui tentent de réussir ce qui semble jusqu'ici impossible. Cette autorisation fait office d'appel d'air entre autres pour les investisseurs, qui dépensent beaucoup et attendent beaucoup.
Prise très précoce
C'est ensuite le premier traitement dirigé contre la cause directe d'Alzheimer, la présence des plaques bêta-amyloïdes dans le cerveau. Ce médicament doit se prendre très tôt une fois la maladie présente, ce qui représente d'ailleurs un défi de dépistage.
Aujourd'hui, l'équation reste simple: cette maladie et ses effets coûtent très cher aux systèmes de santé. Les formes de démences coûteraient 12,5 milliards de francs par année dans notre pays qui compte entre 130'000 et 140'000 personnes concernées, selon AlzheimerSuisse.
La médication ne pèse pour l'heure que 0,2% de ces coûts de la santé. Le reste, en grande partie, ce sont les soins infirmiers nécessaires aux malades. C'est dire si un remède serait aussi attendu pour des raisons financières.
Ralentir le déclin
Biogen a donc reçu un feu vert conditionnel, faute de mieux chez les concurrents. Car l'aducanumab peut ralentir le déclin de quelques mois, mais au final, ne fera pas de grande différence.
La FDA a rarement été confronté à un tel dilemme: refuser le remède de Biogen aurait pu décourager la recherche et les investissements colossaux concédés par le secteur pharmaceutique. L'autoriser peut provoquer un abaissement du niveau d'exigence pour les homologations. La solution du feu vert sous conditions est un entre-deux qui illustre une froide réalité: aucun produit n'est en vue pour guérir de la maladie d'Alzheimer.
Frédéric Mamaïs/jpr