En temps de guerre ou de famine, il n'est pas rare que les femmes n'aient plus leurs règles. Idem en cas de troubles alimentaires ou de sport intensif, des exemples qui illustrent le lien entre la nutrition, l'effort physique ou le statut énergétique global, et la fonction reproductive. Et il se pourrait bien que quelque chose de similaire se joue pendant l'allaitement.
Comme le rappelle Nicolas Todd, épidémiologiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et à l'Institut Max Planck de démographie, après un accouchement, une femme qui allaite aura à nouveau ses règles plus tard qu'une femme qui n'allaite pas.
Allaiter, acte très énergivore
"Une explication très probable pour ce lien est le fait qu'allaiter, du point de vue métabolique, 'coûte' très cher. Cela représente environ 500 kcal par jour pour l'allaitement exclusif. De l'autre côté, fabriquer un enfant coûte également très cher du point de vue énergétique. On ne peut donc pas faire les deux en même temps."
Une hypothèse soutenue par des observations de terrain, que Nicolas Tod et son collègue, qui publient leur travaux dans les Annales de l'académie américaine des sciences, ont voulu tester au niveau démographique.
L'exemple du Bangladesh
En analysant 2,7 millions de naissances dans des pays en développement ces 45 dernières années, ils ont constaté que le temps d'aménorrhée - la période où la femme n'a pas ses règles - sont de plus en plus courts.
"Le Bangladesh est un cas exemplaire: dans les années 1970, une femme restait en aménorrhée en moyenne 15 mois après chaque naissance, et aujourd'hui, on est plutôt aux alentours de 7,5 mois", illustre Nicolas Todd.
Le temps d'aménorrhée a été divisé par deux, sans que la durée de l'allaitement ne baisse.
Une analyse plus fine suggère en outre que l'accès à l'alimentation, mais aussi à l'eau courante ou à l'électricité - toutes ces choses qui réduisent l'effort physique - est associé à la réduction de l'effet contraceptif.
Lucia Sillig