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Vincent Barras: "On était tous terrorisés à l'époque avec l'apparition du sida"

L'invité de La Matinale - (vidéo) Vincent Barras, professeur à l’institut d’histoire de la médecine à l’Unil
L'invité de La Matinale (vidéo) - Vincent Barras, professeur à l’institut d’histoire de la médecine à l’Unil (vidéo) / La Matinale / 13 min. / le 6 août 2021
Invité vendredi dans La Matinale, Vincent Barras, médecin et professeur à l'Institut d'histoire de la médecine à l'Université de Lausanne, est l'un des premiers en Suisse à avoir ausculté un malade du sida. Il y a 40 ans, en juin 1981, le monde médical découvrait cette maladie.

Au début du mois de juin 1981, cinq cas de "pneumonie bizarre" avaient été signalés aux Etats-Unis. En Suisse, Vincent Barras, fraîchement diplômé, reçoit un patient incarcéré à la prison de Champ-Dollon (GE) et ne comprend pas de quel mal il souffre.

"Débarquant avec mon diplôme de médecine, j'étais perplexe face à ce patient pleins de ganglions", raconte le médecin.

Une maladie incompréhensible

"Dans la petite communauté de la médecine genevoise, dont je faisais partie, j'ai pu suivre la façon avec laquelle la perplexité grandissait", explique Vincent Barras. Le monde médical a mis plusieurs mois à se rendre compte qu'il s'agissait d'un virus et encore plus longtemps pour découvrir son mode de transmission. "Il faut s'imaginer que c'était extrêmement difficile, car ça ne ressemblait à rien de connu", retrace le médecin et historien.

On a cru qu'on allait tous y passer, c'était la peur de l'inconnu

Vincent Barras, médecin et professeur à l'Institut d'histoire de la médecine à l'Université de Lausanne

Il y a 40 ans, la peur d'une épidémie semait la terreur. Pour l'historien, il s'agissait d'une terreur semblable à celle du début de la pandémie de Covid-19 (Lire aussi encadré). "On était tous terrorisés à l'époque, les médecins, les scientifiques et la population en général. On a cru qu'on allait tous y passer, c'était la peur de l'inconnu", raconte Vincent Barras.

Selon l'historien, il y a une grande ressemblance entre ces deux moments dans l'histoire, celle de "redécouvrir la terreur". Pour le jeune étudiant de médecine qu'il était en 1981, il avait "l'impression qu'on avait tout compris et que tout était curable. On se disait que les maladies infectieuses, c'était bon, on connaissait!". Rétrospectivement, Vincent Barras se rend compte que le VIH a été "une sacrée leçon pour l'humanité".

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Stigmatisation des homosexuels

"Ce qui a été plus compliqué à comprendre, c'est que le sida touchait tout le monde et non pas seulement certaines catégories de la population", relève le médecin. Certains groupes étaient plus à risque et au départ la communauté scientifique a pensé que cette maladie était réservée à ces groupes. "On parlait du cancer des homosexuels alors qu'en fait ce n'est pas vraiment un cancer et ce n'est pas réservé aux homosexuels", rapporte Vincent Barras.

Cela a rapidement conduit à une stigmatisation des homosexuels. Dans des cas de crise comme celle du sida, "on se rend compte que des groupes particuliers deviennent rapidement le sujet de suspicion car on a besoin de mettre la faute sur quelqu'un", selon l'historien. Actuellement, il n'existe aucun vaccin pour prévenir le VIH. Plusieurs personnalités comme Elton John sont toujours très actifs dans la lutte contre le sida. Le chanteur revient dans ce tweet sur le chemin déjà parcouru avec sa fondation:

Propos recueillis par Agathe Birden

Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva

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Pourquoi n'y a-t-il toujours pas de vaccin contre le sida?

Selon Vincent Barras, la maladie était très mystérieuse et difficile à comprendre à l'époque. De plus, avec de nouvelles maladies qui surviennent, certaines recherches sont moins financées. La question est de savoir "comment oriente-t-on la recherche?", dit le professeur. Pour lui, il y a des "maladies privilégiées" comme avec le Covid-19.

"Comme toute la population mondiale est touchée sans exception, l'économie s'arrête et les pays font un effort pour trouver un vaccin. Alors qu'avec le VIH c'est plutôt certains groupes minoritaires du point de vue quantitatif qui sont touchés", explique le médecin.