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Podcast : Suis-je suicidaire?

Parfois, on se demande comment ce serait si l'on n'était pas là. Ou même si la mort avait fait son travail. Penser à la mort, sa propre mort, qu'est-ce que cela signifie? Micro sciences est un podcast qui apporte des réponses scientifiques à nos questions, parfois aux plus graves d'entre elles.

Quand la vie nous malmène, qu'on ne voit pas d'issue à ses problèmes, quand la douleur émotionnelle est trop forte... On se demande si cette vie en vaut vraiment la peine. Est-on pour autant suicidaire?

"Non, il y a beaucoup de gens dans la population qui ont des idées suicidaires: ça fait partie de la vie normale", affirme Stéphane Saillant à Micro sciences.

Ce psychiatre et psychothérapeute, chef de département au Centre Neuchâtelois de Psychiatrie et vice-président du Groupe Romand Prévention Suicide, explique que la mort nous travaille toutes et tous, d'une façon ou d'une autre: "L'être humain, depuis qu'il existe, y pense. C'est quelque chose de très présent à tous les âges de la vie – qu'on soit des enfants, des adultes ou des personnes âgées. C'est très intimement lié à l'histoire de la naissance et de la vie. La mort fait partie, au fond, de la vie".

Les statistiques annoncent qu'environ 20% des jeunes ont ce genre de pensées durant leur adolescence ou leur vie. Le professionnel remarque qu'une idée suicidaire peut évoluer et mener à une crise suicidaire et à ce qui est appelé un "suicide avéré": c'est-à-dire une tentative dont l'issue est la mort.

Un sujet tabou?

Certaines personnes sont gênées à l'évocation même du suicide. Peut-on, doit-on en parler? Un artiste belge a récemment brisé le silence. Le 11 janvier 2022, à la fin du journal de TF1, le chanteur Stromae parle de son dernier album. Puis la journaliste lui parle de mal-être et de solitude. Un bref silence, puis il entonne une chanson inédite:

J'suis pas tout seul à être tout seul / Ça fait déjà ça de moins dans la tête / Et si j'comptais combien on est? / Beaucoup / Tout ce à quoi j'ai déjà pensé / Dire que plein d'autres y ont déjà pensé / Mais malgré tout je me sens tout seul / Du coup / J'ai parfois eu des pensées suicidaires / J'en suis peu fier / On croit parfois que c'est la seule manière de les faire taire / Ces pensées qui me font vivre un enfer / Ces pensées qui me font vivre un enfer...

Stéphane Saillant a perçu la manière de Stromae d'en parler très courageuse: "Ça aide à la déstigmatisation de la souffrance dans le domaine de la santé mentale; ça montre qu'on peut s'en sortir".

A une heure de très grand audience, on peut donc parler de suicide: "N'importe quand, n'importe où, mais pas de n'importe quelle manière", rappelle-t-il. "Stromae en parle de manière extrêmement fine et délicate: il parle de son vécu. Il transmet une expérience puisqu'il s'en est sorti; il a pris soin de lui, et il en fait un témoignage".

"On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire / Ces pensées qui me font vivre un enfer..." [Stromae/Vevo/YouTube - Capture d'écran]
"On croit parfois que c’est la seule manière de les faire taire - Ces pensées qui me font vivre un enfer..." [Stromae/Vevo/YouTube - Capture d'écran]

Rompre le silence et l'isolement est positif: "Cela peut avoir une portée très efficace sur des jeunes qui se sentent en situation de crise et qui se disent 'Même lui, il a eu une crise suicidaire, donc je peux m'en sortir comme lui s'en est sorti'. C'est vraiment un message d'espoir".

L'importance de la parole

Pour qu'une idée suicidaire mûrisse et que cette solution extrême apparaisse comme l'unique solution, cela peut prendre du temps: "Une crise suicidaire prend entre huit à dix ou douze semaines pour que l'évolution de l'idée suicidaire se construise et se cristallise. Ça peut être sous forme de flashs au début, d'un coup. Ou bien ça peut être très envahissant".

Parler est donc très important pour comprendre la personne suicidaire. Et il faut écouter sans juger: "Très souvent les gens ont honte, ne le disent pas et s'isolent". Le thérapeute sait que ces paroles sont difficiles à entendre, mais face à quelqu'un qui n'émet pas de jugement, les personnes suicidaires se rendent compte qu'elles peuvent se dévoiler.

Sentant de la compréhension, une fois leur dépression prise en charge, les personnes qui avaient des idées létales sont très contentes d'être en vie: "Elles disent regretter: 'J'ai appris de ce qui s'est passé et maintenant je vois d'autres possibilités'," rapporte Stéphane Saillant

Et ce qui semblait être l'unique choix, laisse place à d'autres solutions, d'autres envies. Et à la vie.

>> De nombreuses idées reçues persistent à propos du suicide. Cet épisode de : Micro sciences

les passe en revue:

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Suis-je suicidaire ? / Micro sciences / 22 min. / le 31 janvier 2022

Sujet radio: Huma Khamis

Version web: Stéphanie Jaquet

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