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Le marché de la xénogreffe se veut prometteur, mais soulève des critiques

Le marché de la xénogreffe se veut prometteur, mais soulève des critiques [University of Maryland School of Medicine]
La xénogreffe, un marché prometteur mais pas sans critiques / La Matinale / 3 min. / le 7 février 2022
Un mois après la toute première greffe d’un cœur de porc génétiquement modifié sur un humain, le patient se porte bien. Un succès qui laisse entrevoir de grandes perspectives pour le secteur de la xénogreffe, mais qui inquiète les défenseurs de la cause animale.

Certaines entreprises sont déjà positionnées pour se lancer de façon industrielle dans le marché de la xénogreffe. Deux entreprises américaines, Revivicor et eGenesis, ont une longueur d'avance.

Elles possèdent déjà plusieurs centaines de porcs OGM prêts à l’emploi, et espèrent lancer une phase d'essai clinique entre cette année et l'année prochaine, une fois le feu vert des autorités obtenu.

Cela laisse imaginer un vrai boom du marché. Les prix de départ seront néanmoins très élevés, estime le professeur Piergiorgio Tozzi, interrogé dans La Matinale.

"On parle de plusieurs centaines de milliers de francs, de 400'000 à 600'000 francs. Si on considère qu'on est aujourd'hui à l'aboutissement de quinze ans de travail et donc d'investissements faramineux, imaginez-vous quel doit être le prix d'un organe d'origine animale."

Nombreuse inquiétudes

Si les essais cliniques sont concluants, Revivicor et EGenesis pourraient lancer une production industrielle avant 2030. Cette perspective fait toutefois ressurgir de nombreuse inquiétudes au sein de la population.

Il y a d'abord la peur de la chimère, de la transgenèse, avec la fin du modèle humain originel créé par la nature. Vient ensuite la question du statut moral et du droit sanitaire à accorder à un homme ou à une femme avec un ou plusieurs organes de cochon.

Puis se posera aussi la question du consentement à recevoir ou non un organe animal en cas d'accident. Finalement, le prix de l'opération déterminera peut-être le choix entre un organe humain, mécanique ou animal.

Quelles limites?

Si l'humanité choisit ce chemin, la conséquence à longue terme serait la transformation radicale de notre société, estime Gabrielle Garoflid, vétérinaire et membre de la commission fédérale sur l'expérimentation animale, active aussi dans la protection des animaux.

Si on laisse faire les scientifiques, il n'y a pas de limites, la science avance tellement vite

Gabrielle Garoflid, vétérinaire et membre de la commission fédérale sur l'expérimentation animale

"Tout est possible. La science n'a pas vraiment de limites. Il faut donc que les éthiciens et les philosophes lui en donnent, il faut aussi que la société réfléchisse à tout ça. Mais si on laisse faire les scientifiques, il n'y a pas de limites. La science avance tellement vite."

"On peut imaginer que dans plusieurs dizaines d'années, on donne des cellules souches de notre cordon ombilical pour qu'un futur cochon donneur d'organes soit déjà présent dans le cas où on a un accident", détaille-t-elle.

L'idée de fermes peuplées des milliers de porcs comme pièces de rechange pour les humains pose à nouveau la question du bien-être animal, dans le prolongement du débat autour de l'expérimentation animale.

Vie humaine versus bien-être animal

Dans le cas des xénogreffes, il est cependant question de sauver des vies humaines. Cela divise encore plus les militants, selon Gabrielle Garoflid: "Est-ce qu'on a le droit d'utiliser des êtres sensibles pour peut-être en sauver d'autres? Il y a certaines personnes pour qui la réponse est claire, ça ne se fait pas. Ce sont plutôt les gens qui sont dans la mouvance antispéciste."

"Et après, il y a toute une partie des protecteurs d'animaux, qui sont plutôt des utilitaristes, qui disent que si on peut penser qu'il y a un bénéfice pour l'humain, pourquoi pas, mais à condition de diminuer au maximum la souffrance des animaux qu'on utilise."

Un débat de société s'annonce pour décider des limites à établir - ou pas - pour le bien-être humain face aux animaux. Ces interrogations s'intègrent de façon plus large dans la transition actuelle autour de l'environnement, le climat ou la biodiversité.

Foued Boukari/asch

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