Les personnes dépendantes à l’héroïne peuvent désormais emporter leur dose à domicile
A Genève, le Service d’addictologie des Hôpitaux universitaire genevois (HUG) veut même aller plus loin en pérennisant cet accès facilité, qui avait au départ été mis en place pour assurer les traitements durant la pandémie.
Le Covid-19 a en quelque sorte permis de concrétiser une demande récurrente des milieux de soins qui butaient sur des résistances politiques. Selon ces institutions médicales, la mesure répond à un besoin des usagers.
Ces traitements, qui concernent 1700 personnes dans tout le pays, existaient déjà. Mais la modification de l'ordonnance a abaissé les exigences et les contraintes imposées aux patients: c'est ce qu’on appelle l’accès bas seuil.
Pas forcément l'abstinence comme objectif
A Genève, l'héroïne médicale est prescrite sans obligation de suivre une psychothérapie – elle est néanmoins encouragée - et avec la possibilité d'emporter des doses plus importantes à domicile. L'objectif n'est d'ailleurs pas forcément l'abstinence. Grâce à cette nouvelle règle, les patients ont la possibilité d’emporter jusqu’à 7 jours de doses d’héroïne.
Interrogé dans l'émission Forum, Daniele Zullino, médecin chef au Service d'addictologie des HUG, a rappelé que cette remise d'héroïne à des personnes dépendantes avait des raisons médicales.
"Elle se justifie par rapport à deux logiques", a-t-il expliqué. "La première est celle de la réduction des risques. Il est toujours mieux pour un consommateur d'avoir un produit contrôlé (…) La deuxième logique est thérapeutique. Les substances addictives, dont l'héroïne, renforcent les comportements qu'il a activés sur le moment".
L’Office fédéral de la santé publique assure toutefois que ces traitements ne sont pas donnés à n’importe qui et sans conditions. Pour obtenir des doses à domicile, il faut avoir suivi un traitement à l’héroïne depuis six mois, présenter un état sanitaire et social suffisamment stabilisé et ne pas être dépendant à un autre opioïde.
Lucien Colliander, collaborateur scientifique à l'OFSP, souligne néanmoins les conséquences positives de l'expérience: "La modification a permis d'une part d'endiguer les cas de contamination au Covid-19 dans les centres, mais également d'adapter le traitement à la situation personnelle des patientes et des patients, d'améliorer leur qualité de vie et de favoriser leur réintégration dans la société."
Autre motif de satisfaction pour les autorités, les craintes de voir le marché noir de la drogue être alimenté par l'héroïne de prescription ne se sont pas vérifiées.
Mohamed Musadak/aps