Si le nombre de césariennes diminue en Suisse, c'est grâce au changement global de politique dans les maternités, mais aussi dans l'accompagnement des futures mamans.
Cet acte chirurgical, qui avait la cote il y a une vingtaine d'années, a montré ses limites: déjà en 2015, l'OMS mettait en garde contre l'explosion de cette pratique dans le monde et préconisé sa diminution. Depuis, la tendance est à la baisse.
Dans notre pays, médecins et sage-femmes tentent de démédicaliser au maximum les accouchements, mais le taux de césariennes s'élève encore à 30% au niveau national. Certains hôpitaux, comme le CHUV, décident de faire drastiquement diminuer leurs intervention et de favoriser les accouchements physiologiques – par voie basse – où les interventions médicales sont limitées au maximum.
Aujourd'hui, l'hôpital cantonal n'opère que dans 22% des cas et ses équipes tentent au maximum de convaincre les patientes d'accoucher par voie basse, si la césarienne est évitable. Cette stratégie a un coût et comporte des risques, mais elle permet aux mères et aux bébés de vivre des accouchements plus humains et plus naturels.
C'est ce qu'a défendu durant plusieurs années la Fédération des sage-femmes: elles sont en première ligne dans les salles d'accouchement et, très tôt, ont exprimé leur craintes face à ce qui a été appelé "l'épidémie de césariennes".
Deux accouchements très différents
Dans l'émission CQFD, Sofia témoigne de ses deux accouchements: le premier a eu lieu par césarienne pour des raisons médicales: "On me l'a conseillé car j'ai une hypertrophie cardiaque. Une date a immédiatement été fixée et, arrivée la veille pour cet accouchement, mon cœur avait une pression sanguine très très forte".
La jeune maman a très mal vécu la césarienne: "J'ai senti chaque coup de couteau dans mon ventre! Je pense que la péridurale a mal fonctionné", se rappelle-t-elle. L'accouchement a été compliqué pour l'équipe médicale et la patiente qui s'est retrouvée pendant trois jours aux soins intensifs, sans vraiment voir sa fille: "J'ai très peu de souvenirs, j'étais dans le vague. Je suis restée une semaine et demie à l'hôpital et j'ai commencé à créer les premiers liens avec ma fille à la sortie."
Elle raconte avoir vécu beaucoup de stress et elle estime que pour retrouver physiquement de l'énergie, il lui a fallu quasiment six mois.
Pour son deuxième enfant, Sofia a été suivie par le docteur David Desseauve qui lui a proposé d'envisager un accouchement naturel: "J'étais partante pour essayer". Elle a eu de nombreux rendez-vous médicaux et tout s'est bien passé pour elle et son bébé: "Vous me croirez ou pas, j'ai plus souffert à l'accouchement de la deuxième, mais j'ai vécu un truc incroyable et je suis prête à faire un troisième enfant demain", confie-t-elle en riant, "car je me suis bien remise. J'ai ressenti tout se qui se passe dans mon corps en temps normal et on se rend compte que le corps est fait pour accoucher. Si je devais choisir la première fois, j'aurais fait pareil que la deuxième, vraiment".
Pour ce deuxième enfant, l'obstétricien David Desseauve remarque que, pour le deuxième bébé, il y avait la possibilité d'évaluer la situation: "Mais on ne peut pas le faire tout seul dans son coin. Suivant la pathologie, qui peut être grave, pendant la grossesse – comme une cardiopathie – il faut toute une équipe autour, comme ici le service de cardiologie. Avec tous les gens qui gravitaient autour de cette patiente, on a pu respecter son choix, au final". Pour lui, répondre à cette demande, a consisté à "reconstruire autour d'elle tout un réseau médical" pour notamment évaluer la situation.
Les sage-femmes favorisent la voie basse
Du côté des sage-femmes, favoriser l'accouchement physiologique est vu comme naturel: "Il y a très peu d'intervention médicale dans un accouchement par voie basse spontané, à part souvent l'intervention de l'anesthésiste pour une péridurale", note Pauline Sartori, qui exerce le métier depuis une quinzaine d'années.
Elle reconnaît qu'avec la normalisation de la césarienne, beaucoup de patientes étaient moins stressées, car la voie basse demande "d'aller puiser dans ses ressources et d'aller jusqu'aux limites de ce que le corps de la femme peut donner".
Cette professionnelle sait que cela peut inquiéter, mais remarque que "les conséquences d'une césarienne devraient contreb
alancer la peur de l'accouchement par voie basse, principalement pour ce que ça implique lors d'un deuxième accouchement. Une grossesse qui se fait sur un utérus qui a déjà vécu une césarienne est aussi plus à risque, avec tout ce que ça implique. On ne peut par exemple pas avoir cinq enfants nés par césarienne". C'est pourquoi les sage-femmes ne valident en général pas cette option pour un premier enfant si les conditions médicales sont favorables pour l'option naturelle.
Pour tout geste chirurgical, il y a un risque infectieux ou de thrombose: "La césarienne est un acte sûr qu'on fait maintenant de façon réglée depuis cinquante ans, c'est très standardisé et sans souci", précise David Desseauve, "mais cela augmente le risque de complications chirurgicales ou de mortalité. Pas en Europe, mais dans des pays où le système de soins n'est pas le même que le nôtre. C'est très péjoratif pour la santé des femmes."
Les conséquences pour le bébé sont très discutées: "Quand un bébé naît par césarienne, la plupart du temps il n'a pas eu le temps de se préparer à l'accouchement. Et il connaît souvent des troubles de l'adaptation: un mot savant pour dire qu'il respire un petit peu moins bien et qu'il est un peu plus hypotonique", remarque l'obstétricien.
Des recherches sont en cours sur le microbiome et la flore qui se trouve dans le vagin de la maman pour savoir si cela peut avoir un impact sur la suite et l'immunité de l'enfant.
Il n'existe pas beaucoup de données, souligne l'obstétricien: "Il y a beaucoup de facteurs confondants sur l'avenir d'un bébé qui vient de naître". Il n'y a pas de consensus scientifique sur la différence qu'il pourrait y avoir sur les enfants entre un accouchement par voie naturelle ou par césarienne.
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Sujet radio: Sophie Iselin
Version web: Stéphanie Jaquet