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L'endométriose et les enjeux de la recherche sur une maladie méconnue

L'endométriose est une maladie au cours de laquelle des îlots de muqueuse utérine s’implantent en dehors de l’utérus. 
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Les enjeux de la recherche sur lʹendométriose / CQFD / 21 min. / le 10 mars 2022
L'endométriose est une maladie encore largement méconnue faute de recherches ciblées. Longtemps ignorée, elle revient sur le devant de la scène. En France, elle est l'objet d'une stratégie nationale. En Suisse, patientes et médecins veulent créer une Fondation pour la recherche sur l'endométriose.

L'endométriose est une prolifération anormale de la muqueuse de l'utérus, l'endomètre, qui prolifère en dehors de la cavité utérine. Déjà décrite en 1860, c'est une maladie invalidante pour les femmes, encore largement méconnue et sous-diagnostiquée. Selon les dernières études, elle touche au moins une femme sur dix à travers le monde et serait la première cause d'infertilité dans les pays occidentaux.

>> Voir aussi le sujet du 19h30 :

Endométriose: enjeux de la recherche sur une maladie méconnue
Endométriose: enjeux de la recherche sur une maladie méconnue / 19h30 / 4 min. / le 27 mars 2022

Les jeunes médecins sont de plus en plus sensibilisés à son existence, mais la recherche avance lentement, faute d'argent et de coordination. La Suisse pourrait jouer un rôle pionnier dans ce domaine avec le projet d'une fondation basée sur notre territoire, dont les études pourraient avoir une portée mondiale.

Si la recherche a de la peine à avancer, c'est parce que l'endométriose n'est pas une maladie mortelle, mais chronique. Et malgré son caractère invalidant, beaucoup de femmes ont appris à vivre avec; elle mobilise donc moins le corps médical.

Un diagnostic difficile

Cette maladie pose des difficultés de diagnostic puisqu'elle provoque des symptômes qui ne sont pas toujours les mêmes. L'infertilité est une manifestation fréquente – touchant environ 40% des patientes atteintes d'endométriose – et c'est souvent le déclencheur du diagnostic. En effet, au moment de l'envie d'enfant, certaines femmes atteintes réalisent alors qu'il y a un quelque chose qui ne va pas.

Mais pour celles qui n'ont pas d'enfants ou pas de problème d'infertilité lié à l'endométriose, la maladie passe souvent longtemps inaperçue, malgré son effet invalidant.

Parmi les autres symptômes caractéristiques, on parle de douleurs sévères et répétées durant les règles ou les rapports sexuels, de crampes pelviennes chroniques et souvent d'une très grande fatigue. Le tableau clinique est très hétérogène et c'est cela qui explique le très long délai de diagnostic pour cette maladie: de nos jours, l'endométriose est diagnostiquée souvent par hasard, avec un retard moyen de sept ans depuis l'apparition de la maladie. Il serait même de dix ans selon les dernières études.

>> Regarder "Maladie douloureuse, intime et encore peu connue, l'endométriose touche 10% des femmes en Suisse et dans le monde" :

Maladie douloureuse, intime et encore peu connue, l'endométriose touche 10% des femmes en Suisse et dans le monde.
Maladie douloureuse, intime et encore peu connue, l'endométriose touche 10% des femmes en Suisse et dans le monde. / L'actu en vidéo / 5 min. / le 20 juin 2021

Heureusement, les choses sont en train de changer: l'endométriose est un sujet de plus en plus discuté. Dans un discours. le président français Emmanuel Macron a par exemple prôné en début d'année la création d'un plan national pour l'endométriose. Selon ses mots, cette maladie n'est "pas un problème de femmes: c'est un problème de société" (lire encadré).

Au-delà du coup médiatique, l'annonce a eu un impact retentissant auprès des associations de patientes qui luttent depuis des années pour faire reconnaître cette maladie, mais aussi auprès des médecins qui cherchent à sensibiliser leurs consœurs et confrères afin d'accélérer le diagnostic et lever des fonds pour la recherche.

Cette stratégie nationale en France est une très bonne nouvelle pour Marina Kvaskoff. Epidémiologiste et chercheuse à l'Inserm, en France, elle a lancé la cohorte ComPaRe-Endométriose qui rassemble les données de plus de 10'000 femmes dans le monde francophone: "Pour la recherche, on propose différentes choses pour mettre en relation les chercheurs entre eux, pour essayer de cibler la recherche, de façon dynamique, en créant de nouveaux appels à projets qui seront spécifiques".

Elle estime au micro de CQFD que même si ces études se font en France, leur portée sera internationale: "Si cela aboutit effectivement, cela va profondément changer la recherche: il y en aura beaucoup plus et on fera des avancées d'un coup dans la compréhension de la maladie".

Examiner la santé dans sa globalité

Les enjeux autour des projets de recherche sont énormes car, actuellement, il existe très peu de traitements. Le plus efficace consiste à enlever les amas de cellules à l'aide de la chirurgie par laparoscopie: des opérations qui peuvent être longues et qu'il faut souvent renouveler en cas de récidive. L'autre traitement possible est hormonal: la prise de pilule en continu stoppe le cycle menstruel. Mais cette solution comporte un certain nombre de risques et implique bon nombre d'effets secondaires.

En Suisse, du côté du CHUV, une étude va être lancée chez les patientes opérées, afin de mieux comprendre l'impact de la laparoscopie sur la santé globale des patientes, car peu de données existent sur ce sujet. Un questionnaire assez complexe se penchera sur la vie globale de la patiente: ses douleurs, mais aussi beaucoup d'autres choses comme sa vie sociale, professionnelle, de couple, sexuelle, et sa santé globale.

"On va utiliser ce questionnaire avant l'opération, puis le chirurgien va remplir un protocole opératoire très détaillé pour savoir exactement quel type de chirurgie a été effectuée", explique Nicolas Vuillemoz, médecin responsable de la Médecine de la fertilité et endocrinologie gynécologique au CHUV. "Ensuite, on va reprendre ce même questionnaire et revoir les patientes à six, douze, vingt-quatre et trente-six mois pour voir quel a été l'effet de la chirurgie au niveau global. Est-ce qu'on a un bénéfice de très courte durée? Un bénéfice à long terme?"

L'idée étant de ne pas se focaliser seulement sur les douleurs, mais sur la santé globale de la patiente et de l'évaluer dans le cadre spécifique de cette chirurgie.

Comprendre les causes

D'autres études ont été réalisées ou sont en cours à Genève, au Centre de l'endométriose des HUG, pour notamment mieux connaître cette maladie, mesurer les effets des traitements et comprendre sa cause, largement inconnue pour l'heure. Il y a toutefois quelques pistes et elles sont cruciales pour combattre la maladie: "C'est un mécanisme par menstruations rétrogrades", remarque Nicolas Vuillemoz, médecin au CHUV.

"Lors des règles, des fragments de l'endomètre – qui est la muqueuse qui se trouve dans la cavité utérine – peuvent refluer par les trompes dans la cavité abdominale; c'est quelque chose que l'on retrouve chez beaucoup de patientes. Ces fragments d'endomètre et ce sang vont être nettoyés chez l'immense majorité des femmes, mais chez les patientes qui présentent de l'endométriose, ces petits fragments vont induire une réaction inflammatoire au niveau de la cavité pelvienne. On va avoir une espèce de cercle vicieux avec un certain nombre de cellules inflammatoires qui vont générer des molécules qui vont permettre à ces fragments d'endomètre d'adhérer aux différentes structures de la cavité pelvienne, de proliférer et d'envahir les structures".

Chercheuses et chercheurs pensent qu'un partie de ces mécanismes est liée à des anomalies de certaines cellules immunitaires. Pour expliquer ces menstruations rétrogrades, il existe des pistes notamment du côté de la génétique: l'Université d'Oxford a établi un lien entre le gène NPSR1 et l'endométriose à un stade avancé.

D'autres études aux Etats-Unis pointent du doigt les phtalates – présents notamment dans certains plastiques comme les emballages ou les jouets pour enfants – qui sont reconnus comme des perturbateurs endocriniens.

Encourager mondialement la recherche

La recherche autour de l'endométriose est un énorme chantier qui se fait aujourd'hui de façon assez peu coordonnée. D'où l'idée de créer en Suisse une fondation pour la recherche dédiée exclusivement à l'endométriose, qui permettrait de mieux cibler les demandes de fonds et les appels d'offre pour combattre cette maladie au niveau national mais aussi mondial.

Ce combat est notamment porté par S-Endo, l'association suisse des patientes atteintes d'endométriose: "Ce qui manque, c'est une fondation mondiale pour la recherche sur l'endométriose", note Fanny Schaffer, présidente de S-Endo (lire encadré).

"On aimerait créer une fondation ici, en Suisse, mais qui financerait les recherches au niveau mondial, toutes recherches confondues: que ce soit pour un traitement ou pour l'amélioration des moyens de diagnostic. En Suisse, nous avons la chance d'avoir de grandes écoles, avec de grands chercheurs en ingénierie médicale, comme l'EPFL, l'ETH, notamment, qui nous permettraient de finaliser ces recherches et qu'elles ne soient pas que publiées et ensuite oubliées".

Le premier pas est de récolter déjà 50'000 francs pour créer cette Fondation qui aurait son siège en Suisse, avec une portée scientifique mondiale.

Sujet radio: Sophie Iselin
Version web: Stéphanie Jaquet

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Extraits du discours d'Emmanuel Macron sur l'endométriose

En janvier, l'Elysée a lancé une statégie nationale de lutte contre l'endométriose. Quelques extraits du discours du président français:

"C'est un problème de masse que personne n'évoque. C'est une souffrance majeure que personne n'entend. Et pourtant. Elle touche une femme sur dix".

"Pour des millions de femmes, tout ce qui fait leur vie – étude, travail, sport, vie intime, désir d'enfant et de grossesse – tout est empêché ou rendu plus difficile par cette maladie. Elles s'appellent Sandrine, Lola, Charlotte ou Enora. Nous les connaissons, nous les croisons et nous ne le voyons pas. Et parfois, elles ne le savent pas elles-mêmes. Elles sont épuisées, usées par une douleur qui peut aller jusqu'à l'évanouissement. Qui leur interdit parfois de rester debout, de dormir, de faire du sport, d'assister à leurs rendez-vous professionnels".

"Ce n'est pas un problème de femmes: c'est un problème de société".

>> Des témoignages sur l'endométriose diffusés par la Présidence française:

Mois de l'endométriose

Le mois de mars est celui de la lutte contre l'endométriose.

L'Association S-Endo organisera plusieurs activités, dont une "Endomarche" à travers les rues de Lausanne le samedi 26 mars.

Une "Endomarche" est prévue à Lausanne le 26 mars 2022. [s-endo.ch]
Une "Endomarche" est prévue à Lausanne le 26 mars 2022. [s-endo.ch]

Rendez-vous est donné dès 15h à la place de la Riponne avec, si possible, des vêtements à dominante jaune, la couleur de sensibilisation à l'endométriose.

Le jour de l’Endomarche, la tour de Pierre-de-Plan à Lausanne et le Jet d’Eau de Genève seront illuminés en jaune en l’honneur des femmes atteintes et de leurs proches.

Toute l'année, S-Endo tient un groupe de soutien en ligne: inscription ici.