En moyenne, une infection au Covid-19 équivaut pour le cerveau à une année de vieillissement
On observe "un impact délétère lié au SARS-CoV-2", le virus respiratoire à l'origine du Covid-19, dans les cerveaux de certaines personnes qui ont été infectées des mois plus tôt, selon une étude publiée lundi dans la revue Nature. Ce travail apporte les preuves les plus solides à l'heure actuelle que le virus peut avoir des conséquences à long terme sur le cerveau, en particulier sur la "substance grise" qui comprend les neurones.
L'idée n'est pas nouvelle. Elle est évoquée depuis le début de la pandémie, nombre de médecins ayant constaté dès 2020 des troubles neurologiques chez des patients. Depuis, de multiples études sont allées dans ce sens.
Mais une partie de ces travaux étaient basés sur l'observation d'anciens patients Covid. Or, ce type d'études observationnelles ne permet pas de conclure à un mécanisme direct de cause à effet. D'autres publications allant dans ce sens étaient basées sur des imageries du cerveau, dans lequel elles relevaient des anomalies. Mais ces travaux étaient réalisés sur un petit nombre de patients, généralement atteints de formes graves. Voire d'autopsies de patients décédés.
Pas besoin de cas grave
L'étude publiée lundi est bien plus concluante. Elle étudie un échantillon de 785 personnes âgées de 51 à 81 ans, et s'intéresse à l'état de leur cerveau selon qu'elles ont été atteintes ou non par le Covid. L'étude inclut 401 personnes testées positives au Covid-19 ainsi qu'un groupe contrôle de 384 personnes n'ayant pas contracté la maladie.
Pour chaque cas étudié, l'étude dispose d'un point de repère qui remonte avant la pandémie. En effet, les patients avaient tous réalisé une imagerie cérébrale plusieurs années auparavant.
Parmi les personnes infectées, seules 15 ont été hospitalisées. Ce travail donne donc une idée des effets neurologiques d'un Covid sans gravité, comme l'ont subi la grande majorité des gens.
L'équivalent d'une année de vieillissement cérébral
Résultats: les personnes infectées ont globalement vu leur cerveau se réduire. En moyenne, une infection au virus se solde, plusieurs mois après, par une perte ou la lésion de 0,2% à 2% des tissus cérébraux par rapport au groupe contrôle.
Des résultats aussi clairs sont "relativement surprenants après une infection bénigne", a expliqué Gwenaëlle Douaud, chercheuse en neurosciences à l'Université d'Oxford à l'origine de l'étude. À titre de comparaison, "on sait que les gens perdent chaque année entre 0,2% et 0,3% de substance grise dans les régions liées à la mémoire" en raison du vieillissement naturel, explique-t-elle sur son site internet.
Toutefois, cette étude ne fait que comparer deux imageries cérébrales avant et après l'infection au SARS-CoV-2. Elle ne permet donc pas de déterminer quels mécanismes provoquent ces atteintes cérébrales. Ni si ces effets sont irréversibles.
"C'est un indicateur plutôt convaincant que quelque chose change dans le cerveau après une infection", confie la cheffe du service neurologique de la faculté de médecine de l'Université de Yale Dr. Serena Spudich. Mais elle tient à rassurer: "Il ne faut pas en conclure que tout les patients souffriront de dommages cérébraux à long terme!" interrogée par le New York Times
Hypothèses liées à l'odorat
L'étude remarque que les zones du cerveau les plus frappées sont celles liées à la perception des odeurs. Or, la perte de l'odorat est l'un des symptômes qui a caractérisé le Covid-19, probablement parce que le nerf olfactif est attaqué par le virus ou, comme le suggère une récente étude, en raison de la réponse immunitaire à l'infection.
Gwenaëlle Douaud formule donc plusieurs hypothèses: le cerveau pourrait être frappé par une inflammation, par exemple transmise par le canal olfactif, provoquée par le virus lui-même ou par la réaction de l'organisme à celui-ci. Il se pourrait aussi que la perte de l'odorat elle-même affecte le cerveau.
"On sait en effet qu'une perte durable d'odorat provoque une diminution de la substance grise dans les régions du cerveau liées à l'olfaction", indique la chercheuse. Or, cet effet est réversible: "On peut penser qu'avec le retour de l'odorat, ces anomalies cérébrales deviendront moins marquées au fil du temps", conclut la chercheuse. Mais cela demandera des études complémentaires, a-t-elle indiqué au média américain Bloomberg.
ats/jop