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L'origine des métastases post-chimiothérapie mieux comprise

Mieux comprendre le cancer afin de mieux le traiter. [depositphotos - vitanovski]
Mieux comprendre le cancer afin de mieux le traiter / CQFD / 9 min. / le 9 mars 2022
Des scientifiques de l'Université de Genève (UNIGE) ont identifié un mécanisme d'apparition des métastases cancéreuses jusque-là inconnu. En cause, des cellules ayant échappé de justesse à la mort cellulaire à la suite d'un traitement chimiothérapeutique, selon ces travaux publiés dans la revue Cell Reports.

Présentes dans de nombreuses formes de cancers, les cellules métastatiques naissent dans les tumeurs primaires pour ensuite s'en détacher et migrer. Elles empruntent alors les tissus qui les entourent, les vaisseaux sanguins ou les canaux lymphatiques.

En cours de route, elles peuvent se fixer sur un ou plusieurs organes – comme les poumons, le cerveau, les os ou le foie – et former de nouvelles tumeurs appelées métastases. Cette propagation de la maladie altère fortement les chances de guérison des patientes et des patients, a indiqué mardi l'UNIGE dans un communiqué.

De précédentes études ont permis d'identifier les cellules métastatiques pendant la migration. Il est également avéré que certains traitements peuvent entraîner leur apparition. Toutefois, les mécanismes précis de leur développement demeurent un mystère.

"Nous ne savons pas pourquoi, à un moment précis, certaines cellules se séparent de la tumeur primaire", explique Ariel Ruiz i Altaba, professeur ordinaire au Département de médecine génétique et développement de l'UNIGE, cité dans le communiqué. Le phénomène est difficile à analyser car, avant qu'elles ne migrent, rien ne permet de distinguer au sein de la tumeur les futures cellules métastatiques des autres cellules.

Des cellules "miraculées"

L'étude menée par deux post-doctorantes, Arwen Conod, première autrice, et Marianna Silvano, apporte des éléments de réponse. Les scientifiques ont découvert que c'est une "expérience de mort imminente", au sein de la tumeur primaire, qui pousse certaines cellules à acquérir des états pro-métastatiques.

Photomicrographie d'une co-culture cellulaire de PAME pro-métastatiques du cancer primaire du côlon (violet) mélangées à des PIM migratoires induites (vert). [UNIGE - Ariel Ruiz i Altaba]
Photomicrographie d'une co-culture cellulaire de PAME pro-métastatiques du cancer primaire du côlon (violet) mélangées à des PIM migratoires induites (vert). [UNIGE - Ariel Ruiz i Altaba]

Cette expérience de mort imminente cellulaire survient notamment dans le cadre de certains traitements visant à priver les cellules cancéreuses d'énergie. L'équipe a observé que ces cellules qui auraient dû mourir – l'apoptose – se reprogramment et présentent alors un risque métastatique important. Ces cellules "miraculées" sont baptisées PAME pour "post-apoptotic pro-metastatic cells".

Pour parvenir à ces conclusions, l'équipe de l'UNIGE a utilisé des échantillons de tumeurs prélevés chez deux patients souffrant de cancer du côlon. Des cellules tumorales provenant de ces échantillons ont ensuite été greffées dans l'organisme de souris, où elles ont proliféré et formé des tumeurs.

Ces cellules ont été soumises à une expérience de mort imminente, causant un stress du réticulum endoplasmique similaire à celui provoqué par certains traitements chimiothérapeutiques. Cette opération a permis d'observer le développement des cellules PAME.

Nouvelles pistes

Les chercheuses ont découvert que les PAME déclenchaient une tempête de cytokines – des protéines qui assurent la communication entre cellules – conduisant des cellules adjacentes à devenir des cellules migratoires PIM, pour "PAME-induced migratory cells". Ces PIM s'associent alors aux PAME et les aident à migrer pour former des métastases.

Ces découvertes ouvrent de nouvelles pistes thérapeutiques. Elles pourraient notamment permettre de prévenir la formation de terrains pro-métastatiques générés par certains traitements, conclut l'UNIGE.

ats/sjaq

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