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Des anticorps monoclonaux contre le Covid pour les personnes à risque

Illustration de deux anticorps monoclonaux thérapeutiques différents (en forme de Y) se liant à des sites antigéniques différents sur une protéine spike du virus SARS-CoV-2 (en rouge). [Science Photo Library via AFP - Juan Gaertner]
Injectés par intraveineuse, les anticorps monoclonaux pourraient être remplacés par des traitements en pillules / La Matinale / 1 min. / le 22 mars 2022
Les HUG tentent d'éviter les formes graves de la maladie due au SARS-CoV-2 grâce à de nouveaux anticorps monoclonaux. Ce sont des traitements innovants réservés aux personnes à risque, telles que celles qui sont immunodéprimées ou non-vaccinées.

Pour protéger leur patientèle particulièrement vulnérable au Covid-19, les HUG administrent une thérapie à base d'anticorps monoclonaux à certaines de ces personnes, qu'elles soient immunodéprimées ou non-vaccinées. Et ceci se fait dès les premiers symptômes.

Pour l'heure, les résultats sont encourageants, car il y a peu d'effets secondaires et les symptômes disparaissent généralement deux jours après le traitement. Il y a également très peu d'hospitalisations chez les gens identifiés, malgré les fragilités des personnes à risques ciblées par le corps médical.

De quoi conforter les équipes mandatées par l'OFSP et la direction générale de la santé de Genève pour tester ce médicament et lutter contre les formes sévères du Covid-19.

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Un antiviral à administrer tôt

Le traitement par perfusion peut se faire jusqu'à cinq jours après le début de la maladie. Depuis qu'il a été implémenté aux HUG, en juin dernier, près de 400 personnes ont bénéficié de ce médicament en ambulatoire, et au moins autant en hospitalier.

Aujourd'hui, les équipes attendent impatiemment l'arrivée de traitements oraux, moins chers et plus faciles à administrer. Mais ils ne sont pas encore disponibles en Suisse. Ceux-ci pourraient également être utilisés chez la population moins à risque, mais aussi chez les personnes à risque, puisque leur efficacité est à peu près comparable à celle des anticorps actuellement utilisés.

"Pour l'instant, on peut administrer ces traitements par perfusion", explique Alexandra Calmy, médecin adjointe au service d'infectiologie des HUG. "A l'avenir, cela se fera par exemple par voie sous-cutanée, ce qui permettra de le faire peut-être chez le médecin traitant ou au domicile du patient", précise-t-elle au micro de CQFD. La professeure a été mandatée par l'OFSP pour utiliser les anticorps monoclonaux en traitement ambulatoire préventif pour les personnes testées positives au Covid et à risque d'être hospitalisées.

"Ce sont des anticorps qui neutralisent le virus avant qu'il n'entre dans la cellule. Cela agit comme un antiviral qui empêche que le virus n'infecte trop de cellules dans le corps". Et d'expliquer que c'est la raison pour laquelle il faut donner ce traitement rapidement après le diagnostic de l'infection au SARS-CoV-2.

La protéine spike visée

La thérapie par anticorps monoclonaux s'attaque à la protéine spike du coronavirus; c'est pourquoi le corps médical doit rester extrêmement flexible aux variants: "Un nouveau médicament peut très bien marcher sur une souche Delta et pas du tout sur une souche Omicron", précise Alexandra Calmy. "C'est vraiment très important pour nous de nous adapter en temps réel aux souches circulantes".

"Le corps humain produit des anticorps, mais parfois pas en quantité suffisante ou suffisamment rapidement". Ce traitement permet d'éviter des formes graves et des hospitalisations. A titre d'illustration, sur les 134 premières personnes ayant accepté d'être traitées ainsi, une seule a été hospitalisée.

>> Ecouter l'émission CQFD avec Alexandra Calmy et Julien Salamun, médecins aux HUG :

Les anticorps monoclonaux sont utilisés contre les formes graves du Covid.
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Depositphotos [Cristianstorto]Cristianstorto
Les anticorps monoclonaux contre les formes graves du Covid / CQFD / 11 min. / le 22 mars 2022

Un traitement cher

Le traitement est cher et pris en charge par la Confédération: environ 2000 francs par injection. "Ce qui incombe au patient, c'est la prise en charge de la perfusion, soit environ 250 francs aux HUG, remboursés par l'assurance maladie", précise Julien Salamun, médecin adjoint à l'Unité des Urgences ambulatoires HUG. Lui s'occupe de sélectionner patientes et patients éligibles au traitement, via un questionnaire.

La première administration a été faite le 25 mai 2021, avec le REGN-CoV-2, actif contre Delta mais pas contre Omicron. Puis du Sotrovimab a été utilisé, efficace, lui, contre Omicron. On parle aussi du Ronapreve: une association de deux anticorps monoclonaux développée par Roche et Regeneron. Il existe aussi une thérapie nommée Evushed développée par Astra Zeneca.

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Les personnes éligibles à cette thérapie doivent remplir des conditions spécifiques. Premièrement, avoir été testées positives au Covid-19 au moyen d'un test PCR. Elles doivent aussi répondre aux critères de la liste des personnes jugées à risque, pouvant développer une forme de Covid long ou sévère, soit les individus souffrant de déficit immunitaire, les femmes enceintes non vaccinées, les personnes non vaccinées avec comorbidité – surtout l'obésité, premier facteur de risque – et les personnes âgées de plus de 80 ans (lire encadré).

La vaccination, toujours d'actualité

La vaccination ne devrait pas être délaissée avec l'arrivée de cette nouvelle thérapie: "Ce n'est pas le but ni notre souhait: ça s'inscrit plutôt en complément", note Julien Salamun. "Ce qu'on voit chez nos patients qui bénéficient de ce traitement, c'est que l'énorme majorité sont vaccinés mais n'ont pas répondu au vaccin".

"Dans l'imaginaire collectif, le fait d'avoir un traitement pourrait décourager certaines personnes à la vaccination, mais je ne pense pas que ça sera le cas", dit-il, optimiste.

Sujet radio: Sophie Iselin

Version web: Stéphanie Jaquet

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Acceptation diverse du traitement

Tous les malades n'acceptent pas bien cette thérapie innovante: "Il y a deux cas de figure: les patients immunosupprimés, fragiles, qui sont la majorité de nos patients. Ces personnes acceptent à 95% le traitement", note Julien Salamun.

"Et puis, on a des patients avec d'autres comorbidités – notamment pendant la vague Delta, qui avaient une obésité ou une hypertension sévère – qui avaient une acceptation beaucoup moins grande. Peut-être de l'ordre de 50%".

Ces médicaments sont surtout destinés aux personnes fragiles, immunodéprimées, pour combler les limites des vaccins: "Nous avons des patients qui ont été vaccinés deux, trois ou quatre fois et qui – à cause de leur immunosuppression – ne font pas d'anticorps, ou pas assez et qu'on vient complémenter avec l'administration [d'anticorps monoclonaux]".

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