Selon une étude parue mercredi dans PLOS Medicine, les édulcorants pourraient accroître le risque de cancer. Chercheuses et chercheurs ont analysé les habitudes alimentaires d'une cohorte de plus de 100'000 adultes entre 2009 et 2021 (lire encadré).
L'équipe de recherche a pu corréler la consommation d'édulcorants (lire encadré) à une augmentation du risque de cancer, en particulier pour les cancers du sein et des cancers liés à l'obésité.
"Le principal édulcorant consommé est l'aspartame", explique Mathilde Touvier, directrice de l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle à l'INSERM. "Juste ensuite, il y avait l'acésulfame-K, qui est aussi très fréquemment trouvé dans les produits du marché européen. En troisième, on observait le sucralose, puis aussi de nombreux autres édulcorants qui ont été inclus dans cette étude, puisque consommés par les participants. Mais dans une moindre mesure, c'est-à-dire moins de 3,5% des participants", précise la co-autrice de la recherche au micro de CQFD jeudi.
Risque accru de 13% de développer un cancer
"Nous avons observé que les personnes qui étaient plus fortement exposées aux édulcorants, au cours du suivi, avaient un risque accru d'environ 13% de développer un cancer par rapport aux non-consommateurs".
Ce pourcentage fait partie "des ordres de grandeur de ce qu'on observe dans ce type d'études sur les relations entre des facteurs nutritionnels et la santé", note Mathilde Touvier.
Pour elle, si ce lien vient à être confirmé dans d'autres études épidémiologiques dans le monde – pour l'instant, c'est la première à montrer et étudier cette association – une augmentation de 13%, "d'un point de vue de santé publique, est quelque chose qui n'est pas négligeable et est certainement à prendre en compte dans la prévention, plus tard, si le résultat est confirmé", affirme-t-elle.
Pour l'heure, il n'est pas encore possible de parler de relation de cause à effet entre les édulcorants et l'augmentation du risque de cancer. Mais la doctoresse souligne: "Il y a quand même des études au niveau expérimental – sur des modèles animaux comme des souris, des rats ou des cellules – qui ont suggéré des mécanismes qui pourraient expliquer ces associations: par exemple une augmentation de l'inflammation, certains dommages à l'ADN ou encore une réduction de l'apoptose – cette capacité des cellules cancéreuses de se tuer lorsqu'elles commencent à dysfonctionner. Il y a également des études menées sur des souris et des volontaires sains qui suggèrent une perturbation du microbiote intestinal chez des personnes exposées aux édulcorants".
Le lien est fait dans l'étude avec le cancer dans sa globalité, mais plus spécifiquement celui du sein et ceux liés à l'obésité: "C'est-à-dire les cancers pour lesquels l'obésité est un facteur de risque: le cancer colorectal, le sein après la ménopause, le cancer de la bouche, du pharynx, du larynx, etc.", énumère-t-elle.
Du vrai sucre à la place?
Si les édulcorants présentent un risque, faut-il revenir vers le saccharose, le vrai sucre: "Alors non, pas du tout! Il ne faut surtout pas faire de contresens là-dessus", affirme catégoriquement la chercheuse. Car les études s'intéressant à la santé et au vrai sucre sont depuis longtemps avérées: "On a des niveaux de preuve forts sur un effet délétère d'une consommation excessive de sucre et boissons sucrées: maladies cardio-vasculaires, diabète, caries, etc.", enumère-t-elle.
Et de rappeler que, de nos jours, les autorités sanitaires recommandent de limiter les apports en sucre: "Par principe de précaution, il ne faut en tout cas pas considérer que les édulcorants sont des alternatives sûres à la consommation de sucre".
Même si c'est difficile, mieux vaudrait limiter l'appétence pour le goût sucré dès le plus jeune âge, en habituant les enfants à boire de l'eau à table, par exemple, et ne pas leur proposer une bouteille de soda édulcoré ou de jus de fruits: "Parce que ça fait prendre de mauvaises habitudes dont il est difficile de se départir à l'âge adulte".
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Sujet radio: Bastien Confino
Version web: Stéphanie Jaquet
Méthodologie
Dans la cohorte NutriNet-Santé, comportant 100'000 personnes, participantes et participants remplissent des enregistrements alimentaires.
Sur plusieurs journées d'enquête de 24 heures, ces personnes vont déclarer tous les aliments, boissons, confiseries, chewing-gums, etc., consommés. Elles vont aussi donner le nom et la marque commerciale des aliments industriels ingérés.
Ensuite, une équipe diététique et de data management va lier cette consommation avec des données de composition, identifiant les édulcorants et leur quantité, afin de quantifier leurs apports sur l'ensemble de la cohorte.
Une fois l'expositions aux édulcorants quantifiée, la cohorte a été partagée en trois groupes: les personnes ne consommant pas d'édulcorants, les consommateurs et les consommatrices les plus faibles et les plus forts, séparés par la médiane de consommation dans la population.
Qu'est-ce qu'un édulcorant et où le trouver?
Les édulcorants sont des molécules utilisées comme alternative au sucre: elles ont un pouvoir sucrant très fort mais ne présentent pas ou peu de calories.
Dans cette étude, environ 53% des édulcorants se trouvaient dans des boissons, comme des sodas light ou d'autres breuvages édulcorés. En outre, 29 à 30% de l'apport venaient des sucrettes, ou d'édulcorants en poudre rajoutés volontairement dans les aliments.
D'autres provenaient encore des produits laitiers ou desserts lactés comme certains yoghurts. Et aussi d'autres aliments comme des biscuits, des plats préparés, ou certains aliments salés.
A noter que si un produit porte la mention "sans sucre" mais qu'un goût sucré est ressenti, il y a de très fortes chance que des édulcorants fassent partie de la composition.