Les deux dernières années de crises ont freiné la lutte contre le VIH, alerte Onusida
"Ces deux dernières années, les crises multiples et simultanées ayant secoué le monde ont eu un impact dévastateur sur les personnes infectées par le VIH", alerte ce rapport publié mercredi à l'occasion de l'ouverture d'une Conférence internationale à Montréal, au Canada.
Le résultat est "vraiment catastrophique", note Michel Kazatchkine, médecin, professeur d'immunologie et conseiller spécial d'Onusida, jeudi dans l'émission de la RTS Tout un monde. Pour lui, le Covid-19 a "arrêté la machine" et a "détourné les investissements". "Le Covid-19 a bloqué le train qui avançait pourtant dans la bonne direction", extime-t-il.
"Nous ne pouvons pas nous permettre de courir d'une urgence à l'autre", lance Michel Kazatchkine. Il appelle donc les pays du monde à construire et à financer un "plan de résilience et de préparation aux pandémies".
Un décès par minute
Si les infections au VIH dans le monde ont continué à baisser en 2021 (-3,6% sur un an), il s'agit de la plus faible diminution depuis 2016.
Le nombre de personnes séropositives ayant accès à un traitement a aussi continué d'augmenter, mais seulement de 1,47 million, contre environ deux millions les années précédentes. C'est la plus petite augmentation depuis 2009.
Au total, environ 1,5 million de nouvelles infections ont été enregistrées durant l'année, soit plus de 4000 par jour. Par ailleurs, quelque 650'000 personnes sont mortes de la maladie l'année dernière, soit plus d'un décès par minute.
Enfants et populations précaires
Les populations les plus fragiles, notamment les plus pauvres, sont les plus touchées, souligne le rapport. Les personnes s'injectant des drogues, les travailleuses du sexe et les hommes gays sont toujours les populations les plus à risque.
Onusida s'alarme d'une augmentation des infections annuelles des nouvelles infections en Europe de l'Est, en Asie centrale, au Moyen-Orient, en Afrique du Nord, ainsi qu'en Amérique latine. "Ce n'était pas arrivé, sauf pour l'Europe de l'Est, depuis dix ans", souligne Michel Kazatchkine. En Asie-Pacifique, la région la plus peuplée du monde, les données montrent une recrudescence des nouvelles infections, alors qu'elles avaient baissé.
Mais "tout n'est pas négatif", relève l'organisme. Les nouvelles infections au VIH en Afrique occidentale et centrale et dans les Caraïbes baissent considérablement.
Le rapport relève également que l'écart d'accès aux traitements entre les enfants et les adultes se creuse au lieu de se résorber. En 2021, alors que 70% des adultes vivant avec le VIH recevaient un traitement antirétroviral, ce n'était le cas que de 41% des enfants. Cela représente environ 800'000 enfants séropositifs ne recevant aucun traitement. Par conséquent, alors qu'ils ne comptent que pour 4% des cas, les enfants représentent 15% des décès liés au virus.
Appel à lutter
"Ce rapport n'est pas une admission d'échec. C'est un appel à l'action", écrit Winnie Byanyima, directrice exécutive de l'organisation onusienne. Des fonds supplémentaires doivent être engagés dès aujourd'hui afin d'atteindre l'objectif de mettre fin à l'épidémie de sida d'ici 2030. "Ce n'est pas zéro, zéro, zéro. Mais, ça veut dire que le sida ne serait plus une menace pour la santé publique dans les pays du monde", indique Michel Kazatchkine, professeur d'immunologie et conseiller spécial d'Onusida.
>> Lire également : "Le monde n'a pas retenu les leçons du sida", regrette la directrice d'ONUSIDA
En 2021, les ressources internationales disponibles pour lutter contre le VIH étaient 6% moins généreuses qu'en 2010.
ats/jop/vajo
Une pandémie marquée également par le sexisme
Les nouvelles infections ont touché de manière disproportionnée les jeunes femmes et les adolescentes, avec une nouvelle infection toutes les deux minutes au sein de cette population en 2021.
L’impact du VIH selon le sexe, en particulier pour les jeunes femmes et les filles africaines, s’est produit dans un contexte de perturbation des services essentiels de prévention et de traitement du VIH, de déscolarisation de millions de filles imputables aux pandémies et de pics de grossesses adolescentes et de violences sexistes.
Ainsi, en Afrique subsaharienne, les adolescentes et les jeunes femmes sont trois fois plus susceptibles de contracter le VIH que les adolescents et les jeunes hommes.