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Un nouveau médicament prolonge "la rentabilité" d’une maladie de l’oeil

Un nouveau médicament prolonge "la rentabilité" d’une maladie de l’oeil (vidéo)
Un nouveau médicament prolonge "la rentabilité" d’une maladie de l’oeil (vidéo) / Forum / 3 min. / le 29 juillet 2022
C’est une maladie qui coûte une fortune à l’assurance-maladie: la dégénérescence maculaire liée à l’âge. La Confédération comptait sur la fin des brevets pour réduire la facture. Un nouveau traitement douche ses espoirs.

Parfois, la fin d’un brevet ne permet pas de faire baisser significativement le coût d'un traitement. C’est le cas pour le Lucentis, de l'entreprise Novartis. Ses concurrents devraient pouvoir copier cette substance dès cette année en Suisse. Mais un nouveau brevet sur un autre médicament devrait maintenir le prix élevé.

De nouveaux médicaments sans baisse de prix

Malgré la fin du brevet, l’arrivée d’un biosimilaire, soit l'équivalent d'un médicament générique, reste incertaine. Un produit est en cours d’examen par Swissmedic, mais aucune copie moins chère n'est prête pour l'instant à intégrer le marché suisse.

Mais même si un biosimilaire arrivait en Suisse, il risque de se retrouver obsolète. En cause: un tout nouveau remède à la maladie a fait son entrée.

Il s’agit du Vabysmo. Le nouveau traitement vient de l’entreprise pharmaceutique Roche. Il se veut plus confortable pour le patient et sera remboursé par l’assurance maladie dès le 1er août.

Moins d’injections, même efficacité

Cette nouvelle molécule "présente des avantages du point de vue du mécanisme", explique Thierry Buclin, professeur de pharmacologie clinique à l’Université de Lausanne. "Cependant, au niveau de l’effet, on constate qu’elle est équivalente aux autres produits."

Un avantage toutefois: le Vabysmo promet, selon Roche, une injection dans l’œil tous les trois à quatre mois. Les autres produits s’injectent plutôt tous les deux à trois mois.

Cette légère amélioration devrait permettre au nouveau médicament de se démarquer de ses concurrents, selon l’analyse de plusieurs ophtalmologues. Mais avec le nouveau brevet associé à ce médicament, le coût de la maladie devrait rester élevé.

Une légère baisse de prix, qui pourrait être plus prononcée

Si les injections sont moins fréquentes, le prix ne baissera pas drastiquement. L’économie devrait être environ de 20% sur trois ans.

Cette baisse n’est pas négligeable, mais elle reste minime en comparaison à un autre médicament. Certains de nos voisins, dont la France, utilisent l'Avastin, une molécule équivalente et beaucoup moins cher. Elle permettrait un prix 10 à 20 fois moins élevé. Ce médicament n'est pas autorisé en Suisse en ophtalmologie.

>> Lire aussi : Un traitement qui ferait économiser plus de 150 millions par an bloqué

Au vu des molécules déjà existantes, les tarifs peinent à s’expliquer par la recherche selon Thierry Buclin, professeur en pharmacologie à l’Université de Lausanne. "Ces produits sont tous des anticorps monoclonaux. On se situe dans le domaine de la chimie du vivant", explique-t-il. "Ce n’est pas très difficile de développer un nouvel anticorps monoclonal. C’est plutôt la production de ces produits qui est délicate. Mais c’est loin d’égaler les prix les vente."

Une maladie qui coûte très cher

La facture pour soigner la dégénérescence maculaire liée à l’âge est loin d’être anecdotique. L’un des médicaments utilisés est tout simplement le plus remboursé par les assurances maladie l'année dernière, selon les chiffres ASL COGE curafutura, extrapolé sur base pool tarifaire Sasis SA .

Au total, les trois médicaments utilisés pour cette maladie coûtent 250 millions par année à l’assurance maladie. Cela correspond à ce que paient l’ensemble des Neuchâtelois en primes maladie pendant quatre mois.

La facture salée des médicaments pour soigner la dégénérescence maculaire liée à l’âge explique en partie l’évolution particulièrement rapide des coûts des médicaments. Ces dernières années, la facture pour les médicaments a augmenté sensiblement plus rapidement que les coûts de la santé.

"Actuellement, seuls les producteurs de médicaments ont leur mot à dire"

Face à cette situation, les assurances maladie proposent leur solution pour limiter les coûts: "On demande l’introduction d’un droit de recours sur le prix des médicaments. Il pourrait être utilisé par les assurances maladie et par les associations de patients", suggère Adrien Kay, responsable de la communication chez Curafutura, la faitière des assurances maladie.

À l’heure actuelle, les prix sont négociés entre l’Office fédéral de la santé publique et les entreprises pharmaceutiques. Revoir ce fonctionnement "permettrait un meilleur équilibre dans le système de fixation des prix. Actuellement, seuls les producteurs de médicaments ont leur mot à dire", estime Adrien Kay.

Dans le cas de la dégénérescence maculaire liée à l’âge, la facture devrait continuer à augmenter avec le vieillissement de la population. Ces sept dernières années, la somme déboursée par les assurances pour cette maladie a doublé.

L’OFSP compte sur les biosimilaires

Les prix des médicaments sont négociés par l’Office fédéral de la santé publique. Pour cela, il observe les tarifs pratiqués à l'étranger ainsi que ceux des médicaments qui soignent la même maladie. C'est ainsi qu'il a procédé pour le Vabysmo.

L'OFSP signale par ailleurs que l'arrivée de biosimilaires, soit des génériques, pourrait faire baisser le prix du traitement pour la dégénérescence maculaire.

Roche souligne les innovations de son médicament

Nous avons sollicité Roche pour une interview. L’entreprise l’a refusée et a préféré nous répondre par écrit. Elle nous a détaillé l'innovation technique que représente cette nouvelle molécule. Roche souligne notamment les injections moins fréquentes.

Par ailleurs, l'entreprise affirme qu'elle adopte, comme pour tous ses médicaments, "une approche réfléchie et responsable pour fixer le prix de Vabysmo".

Philéas Authier

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"80% des innovations sont des pseudo-innovations"

Interrogé vendredi soir dans Forum, le surveillant suisse des prix Stefan Meierhans rappelle que, selon plusieurs enquêtes ou travaux universitaires, on estime que seuls 20% des brevets sont des vraies innovations dans le domaine des médicaments. "Donc ça signifie que 80% sont des pseudo-innovations", assène-t-il, "qui permettent de maintenir un niveau de revenus assez élevé".

"Vous avez une part de responsabilité du gouvernement, qui établit les conditions-cadre pour la fixation des prix des médicaments. D'un autre côté, sur le plan international, il y a toute la question de la protection de l'innovation qui représente toujours un grand défi. D'un côté, il ne faut pas freiner l'innovation, qui est très importante pour tout le monde. Mais de l'autre, il faut veiller à limiter les coûts de la santé", analyse Monsieur Prix.

Proximité "évidente" entre le politique et l'industrie

Pour freiner ces conséquences et restreindre les abus de l'industrie pharmaceutique à l'échelon national, "il y a des questions systémiques qui se posent", souligne Stefan Meierhans. Selon lui, il faudrait notamment veiller à réduire la proximité entre les autorités politiques - notamment l'OFSP - et l'industrie, afin de limiter au maximum les conflits d'intérêts. "Évidemment que cette proximité existe. Elle n'est pas forcément néfaste, mais il faut en être conscient", estime-t-il.

Il suggère également de mettre en place une différenciation graduelle entre une "petite innovation" et une innovation "majeure". "Peut-être qu'il faudrait aussi penser à ça quand on fixe le prix des médicaments."

>> Ecouter l'interview de "Monsieur Prix", Stefan Meierhans, dans Forum :

Stefan Meierhans réagit aux prix des médicaments en Suisse (vidéo)
Stefan Meierhans réagit aux prix des médicaments en Suisse (vidéo) / Forum / 5 min. / le 29 juillet 2022

Les parlementaires choqués

La décision de l'OFSP d'inscrire le nouveau médicament Vabysmo sur la liste des produits remboursés par les assurances choque sous la Coupole fédérale, du fait que l'Avastin, un autre médicament beaucoup moins cher qui existe depuis longtemps, ne soit pas homologué pour la maladie de la dégénérescence maculaire liée à l'âge.

La conseillère nationale socialiste Laurence Fehlmann Rielle dénonce un manque de volonté politique pour changer le système des prix des médicaments. "L'Avastin continue à être refusé alors qu'il est utilisé dans un très grand nombre de pays européens et aux Etats-Unis, et qu'il a prouvé son efficacité et son économicité", a-t-elle réagi samedi au micro de la RTS. "C'est inquiétant de voir qu'il existe une grande opacité dans les prises de décision et que nous sommes à la merci des pharmas."

Pour le conseiller national PLR Philippe Nantermod, "les pouvoirs publics ont l'obligation de réagir". Il demande que Swissmedic puisse imposer "l'usage de médicaments pour lesquels l'industrie pharmaceutique n'a pas expressément demandé l'application". Une motion en ce sens a été déposée, a indiqué le Valaisan.

Le traitement pour la dégénérescence maculaire avait déjà fait scandale

Les trois molécules utilisées actuellement pour soigner la dégénérescence maculaire dérivent d'une autre molécule similaire, l’Avastin de Roche. Ce médicament d'origine était utilisé pour soigner les cancers. On a ensuite découvert son utilité pour l'oeil.

Mais l'entreprise qui la détenait, Roche, n'a pas voulu la faire valider pour l'utiliser en ophtalmologie. Un nouveau médicament, le Lucentis, a été développé pour le traitement à l'œil. Il est vendu au prix fort, à plus de 1000 francs. L'original, lui, se vend à moins de 100 francs.

Roche et Novartis ont tous les deux bénéficié du prix plus élevé du médicament, selon l’autorité française de la concurrence. Les deux géants de la pharma étaient liés par une troisième entreprise, Genentech. Toutes recevaient par un biais ou un autre les bénéfices de la vente du Lucentis.

L’autorité de la concurrence a d'ailleurs infligé à ces entreprises presque 450 millions d'euros d'amende en France en 2020. Avant ça, l'Italie a également condamné ces firmes pour entente.