Il y a une forte réticence à parler de maladie quand on parle de burn-out, mais les chiffres sont alarmants: 25% de la population active en Suisse souffre ou dit souffrir d'un épuisement émotionnel face au travail. "Ce n'est pas le burn-out, mais une de ses composantes", explique Irina Guseva Canu, professeure d'épidémiologie professionnelle à l'Université de Lausanne et responsable du secteur académique à Unisanté, le Centre universitaire de médecine générale et de santé publique.
"Un quart de la population active, c'est beaucoup", ajoute celle qui vient de publier, avec ses collègues, un rapport sur la prise en charge des burn-out auprès des personnes professionnelles de la santé en Suisse.
Selon la définition harmonisée européenne, le burn-out est "un état d'épuisement psychique et physique lié à une exposition prolongée liée au travail. "Les formes sévères, soit celles qui vont chercher une aide professionnelle, médicale, psychologique ou psychiatrique, sont de l'ordre de 3%. On serait dans une fourchette entre 2 et 6% de la population active en ce qui concerne les formes sévères", indique Irina Guseva Canu. Cela ressemble à une épidémie.
Se consumer
Le terme de "burn-out" est né dans les années soixantes et signifie littéralement "être consumé" par le travail. Ce sont des signes tels qu'une grande fatigue, une certaine irritabilité, des insomnies récurrentes, l'incapacité de récupérer après des périodes de loisirs ou de week-end: "Il y a toujours cette sorte de rumination, des pensées négatives, une aversion, un état d'agressivité ou de dépression, la personne ne dort plus", décrit Irina Guseva Canu. Une surcharge de travail, des conflits interpersonnels, la perte de sens, un manque de reconnaissance peuvent mener au burn-out.
Dans les états précoces, les personnes atteintes consultent peu, car elles sont parfois dans le déni; bien souvent, la souffrance s'installe alors et l'état s'aggrave. "Le cœur de la symptomatologie, c'est une grande fatigue émotionnelle, une usure psychologique à laquelle s'associent de nombreux symptômes psychosomatiques avec des douleurs du ventre ou des maux de tête", note la professeure.
Mal psychologique et somatique
Ainsi, du psychologique, ce mal devient somatique et amène en cabinet médical: "C'est un état de crise qui empêche tout fonctionnement normal: les personnes n'arrivent même plus à sortir leur chien, sont paniquées à l'idée de devoir retourner au travail".
Dans sa forme expressive clinique sévère, le burn-out "arrive au bout d'un long processus de souffrance, de lutte et de résistance contre des conditions au travail qui semblent ne pas être en adéquation avec son socle de valeurs, avec ce qu'on a appris de son métier, avec les conditions dans lesquelles on aimerait exercer son métier", détaille la spécialiste
Une dépression peut découler d'un burn-out, mais les deux affections sont différentes. La tranche d'âge la plus concernée est celle des 24 à 44 ans: un peu plus de la moitié de la vie professionnelle est à risque.
La communauté scientifique suppose que le burn-out laisse sa signature dans le cerveau et sur l'ADN: une forme de stress qui, comme le stress en général, pourraient s'imprimer dans le matériel génétique des générations futures.
Être à l'écoute de soi
Pour réussir à ne pas tomber dans le burn-out, il faut avoir de la compassion envers soi-même: "Vous vous accordez des moments de repos, la possibilité de vous dire que, oui, aujourd'hui, je fonctionne un petit peu plus lentement, pas aussi vite, et je ne veux pas m'énerver", conseille Irina Guseva Canu.
Il n'y a pas vraiment d'âge ni de personnalités qui soit complètement hors de danger. Il faut rester vigilant, à l'écoute de soi: "Au niveau individuel, je dois savoir comment me protéger. Dès que je commence à ruminer un problème, à ne pas savoir le gérer toute seule, il faut que je sollicite les ressources qui sont disponibles dans mon entourage, sur mon lieu de travail. La médecine du travail, les ressources humaines peuvent aider, tout comme parler à son supérieur hiérarchique, ou à une personne de confiance"", préconise-t-elle.
Il est aussi possible de consulter un ou une psychologue pour définir où se situe le problème et comment s'en sortir. L'origine est parfois un environnement toxique où plus rien n'est possible: il faut savoir alors le quitter.
>> Le site NoBurnout.ch, restez vivant au travail: un réseau romand et un site d'information, d'évaluation personnelle et d'aide pour la prévention de l'épuisement professionnel (burn-out) ou sa prise en charge.
>> Une brochure rédigée par un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie FMH: "Le burn-out et la dépression d'épuisement – Informations destinées aux personnes concernées et à leurs proches"
>> Une brochure du Secrétariat à l'Economie: "Détection précoce de l'épuisement – Éviter le burn-out".
Sujet radio: Huma Khamis
Article web: Stéphanie Jaquet