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Les soins palliatifs, une pratique médicale encore largement "taboue" en Suisse

L'invitée de La Matinale (vidéo) - Eve Rubli-Truchard, médecin-cadre au service de gériatrie du CHUV
L'invitée de La Matinale (vidéo) - Eve Rubli-Truchard, médecin-cadre au service de gériatrie du CHUV / La Matinale / 11 min. / le 5 octobre 2022
Du 5 au 8 octobre, "Les Couleurs de la mort" décrypte à Lausanne les enjeux liés à la fin de vie à travers des conférences, ateliers, films ou tables rondes. Mercredi dans La Matinale, la médecin spécialiste des soins palliatifs Eve Rubli Truchard rappelle le chemin qu'il reste à parcourir pour désacraliser la question, y compris dans le monde médical.

Derrière ce nom doux-amer, l'événement "Les Couleurs de la mort" propose au grand public d'échanger avec des artistes, mais surtout des spécialistes de la médecine, de l'histoire ou de la sociologie, ainsi que des personnalités politiques, afin de repenser notre rapport à la mort et aborder le sujet sans tabou.

Cet événement fait suite à l'acceptation par le Grand Conseil vaudois d'un postulat demandant au Conseil d'Etat d'établir un rapport sur les améliorations possibles dans la prise en charge de la fin de vie dans le canton. Il est organisé par le Département de la santé et de l'action sociale (DSAS) et Palliative vaud, avec différents partenaires.

"Ce genre d'événements sont hyper importants pour que le public puisse s'approprier et parler des soins palliatifs", souligne mercredi dans La Matinale Eve Rubli Truchard, co-directrice de la chaire de soins palliatifs gériatriques au CHUV. Aujourd'hui, il subsiste une image faussée de cet aspect de la médecine, associée au déclin ou à l'échec thérapeutique. "Comme si on allait être là seulement pour les derniers instants du patient", déplore-t-elle.

Améliorer l'image et la formation

Or, les soins palliatifs désignent l'accompagnement médical et psycho-social qui garantissent une qualité de vie aux patientes et aux patients - mais aussi à leurs proches - dans le cadre d'une maladie potentiellement mortelle. C'est donc souvent complémentaire aux traitements. "D'ailleurs, on demande souvent que ce soit imbriqué avec des soins qui sont encore thérapeutiques. Mais comme c'est encore tabou, ça a tendance à intervenir plus tard. C'est pour cette raison que c'est souvent associé à la fin de vie."

En 2018, Eve Rubli Truchard a coécrit un Livre blanc des soins palliatifs gériatriques en Suisse romande, qui déplorait que les soins palliatifs n'étaient pas encore suffisamment bien intégrés dans les approches globales de la santé. Depuis, il y a eu des avancées sur plusieurs axes, même si la marge de progression reste conséquente. "Je pense qu'en Suisse, on ne peut pas avancer plus vite que ça", sourit-elle.

Pour elle, travailler avec les professionnels sur ces sujet est extrêmement important. "Il faut savoir qu'il y a très peu d'heures de formation en soins palliatifs dans le domaine médical ou des soins infirmiers", souligne-t-elle, rappelant par ailleurs qu'il existe une différence entre des soins palliatifs généraux, qui peuvent être dispensés par tous les médecins, et des pratiques spécialisées.

Alternative au suicide assisté

La spécialiste rappelle enfin que de nombreuses idées reçues erronées persistent autour du suicide assisté, qui concerne moins de 2% des décès en Suisse. "Il faut remplir certaines conditions pour avoir accès à Exit, et parmi elles, il faut que des alternatives soient proposées", souligne-t-elle. "Et c'est là que l'accès aux soins palliatifs peut être amélioré."

Car c'est souvent la crainte d'une fin de vie pénible et douloureuse, ou encore d'un acharnement thérapeutique, qui pousse les gens à faire appel au suicide assisté. Et pouvoir répondre à ces peurs en promettant l'accès à de bons soins palliatifs, "c'est quelque chose qui apaise beaucoup les gens."

Propos recueillis par Frédéric Mamaïs

Texte web: Pierrik Jordan

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