Une étude atteste une efficacité de la psilocybine dans le traitement de la dépression
Les résultats de cette étude clinique, menée en double-aveugle sur 233 patients adultes résistants aux traitements contre la dépression, viennent d'être publiés et sont encourageants. À tel point que cette molécule pourrait être autorisée sous forme synthétique aux Etats-Unis.
Dans cette étude, de la psilocybine de synthèse a été testée sur trois groupes d'hommes et femmes, à différentes doses (25mg, 10mg et 1mg). Après trois semaines, le groupe ayant reçu 25mg démontrait une amélioration significative de l'état dépressif sur l'échelle de dépression de Montgomery et Åsberg, une mesure de référence, par rapport au groupe testé sur 1mg.
L'étude note toutefois de nombreux effets secondaires, sur 77% des participantes et participants. De plus, des idées et comportements suicidaires ou autodestructeurs restaient observés dans les trois groupes.
Le papier souligne ainsi que ses résultats sont prometteurs, mais que d'autres travaux plus larges devront être menés pour déterminer l'efficacité et l'innocuité de l'usage de la psilocybine. Il s'agira également de comparer l'efficacité de cette substance aux traitements déjà existants.
Ouvrir des fenêtres de pensée
Concrètement, la prise de cette substance entraîne une hausse de dopamine, un neurotransmetteur connu pour contribuer notamment à la régulation de l'humeur, et d'un autre neurotransmetteur qui pourrait favoriser la plasticité cérébrale.
"On ne sait pas grand chose sur la manière précise dont ça agit", admet Daniele Zullino, médecin chef du service d'addictologie des HUG, samedi dans Forum. "Mais on sait quels récepteurs ça touche, ce sont les mêmes que les antidépresseurs classiques."
Des travaux menés à la Clinique psychiatrique universitaire de Zurich ont montré que cette substance permet de connecter des régions du cerveau qui ne travaillent pas ensemble d'habitude. "C'est ça qui explique en partie les phénomènes psychédéliques", précise-t-il.
Ces expériences permettent d'ouvrir de nouvelles fenêtres de pensée. "On pense, on vit des choses inhabituelles, les émotions sont différentes", poursuit Daniele Zullino, évoquant notamment le "sentiment océanique", soit le sentiment de faire partie d'un tout. "Ce sentiment-là permet de relativiser certains problèmes que l'on porte: si c'est le monde entier qui porte le problème, il est moins important pour moi", image-t-il.
Une nouveauté en psychiatrie
Cela permet donc de mettre, en quelque sorte, le cerveau dans un état de plus grande "flexibilité", ce qui ouvre une "fenêtre d'opportunité thérapeutique" qui peut permettre de susciter des changements positifs chez les gens.
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Le spécialiste travaille entre autres sur la psilocybine, mais aussi sur l'usage thérapeutique du LSD. Selon lui, les psychédéliques dans les psychothérapies seront peut-être "une révolution". "C'est en tout cas une bonne nouvelle. C'est une nouveauté en psychiatrie, car ce sont des traitements ponctuels qui ne nécessitent pas une prise sur plusieurs semaines, plusieurs mois, voire toute une vie."
On estime qu'environ 100 millions de personnes dans le monde souffrent de dépression résistante aux traitements. Les psychédéliques représentent donc une piste prometteuse pour les aider, tandis qu'ils ont également montré des signes prometteurs contre les addictions et les stress post-traumatiques.
Plusieurs risques importants
Daniele Zullino rappelle néanmoins qu'il ne s'agit pas de traitements pharmacologiques au sens propre. "C'est plutôt une méthode pour relancer les processus psychothérapeutiques", prévient-il. Et ce type de thérapie n'est pas adaptée à toutes et tous. Les essais actuels excluent les personnes schizophrènes ou bipolaires - et leurs familles - par crainte que cela n’active la pathologie.
Le médecin souligne encore que les essais cliniques autour de ces substances ne s'adressent pas aux "psychonautes", ces personnes qui veulent uniquement faire des expériences "d'élargissement de conscience". Les Hôpitaux universitaires de Genève croulent sous les demandes de patients qui souhaitent participer à cette étude, et en refusent environ 80% qui n'ont pas le bon profil.
Il alerte également sur le risque lié à l'auto-médication. "C'est définitivement un risque! D'avoir l'idée que juste en prenant la substance, on puisse guérir. Encore une fois, ce n'est qu'un instrument d'une psychothérapie. Il faut donc avoir déjà une psychothérapie en place. Manger quelques champignons et penser que la dépression va partir, c'est définitivement une illusion!"
Pierrik Jordan
Propos recueillis par Coralie Pauchard