Spécialiste de l'obésité, Nathalie Farpour-Lambert plaide contre la surconsommation de sucre
Pour Nathalie Farpour-Lambert, la décision de la chambre basse est une "douche froide", sans pour autant être "surprenante". Elle pointe la force des lobbies dans ce domaine, car l'alimentation représente une part importante du PIB. "L'économie a pris le dessus sur la santé", déplore la médecin. Mais elle souligne aussi que l'épidémie d'obésité coûte cher à la société.
Nathalie Farpour-Lambert ne baisse toutefois pas les bras et rappelle les dangers d'une surconsommation de sucres ajoutés. En effet, explique l'experte, "le sucre stimule notre circuit cérébral de la récompense, qui va favoriser notre bien-être, notre motivation et notre plaisir, mais aussi nos comportements de la même manière que les drogues."
"Les études faites sur l'animal montrent un phénomène d'addiction, qui est similaire par exemple à la cocaïne et qui est même possiblement plus fort", poursuit Nathalie Farpour-Lambert. "En revanche, on a moins de symptômes de sevrage au moment où on arrête. Mais des études ont même montré que si on laisse les adolescents boire des boissons sucrées comme ils le veulent, puis qu'on les arrête, ils deviennent irritables. Ils ne se sentent pas bien et ont des troubles de la concentration." Le problème, dit-elle, c'est que le sucre est présent dans 80% des produits emballés achetés dans les supermarchés.
Agir à plusieurs niveaux
La consultante pour l’Organisation mondiale de la santé souligne que de nombreuses solutions peuvent être mises en place contre cette surabondance problématique. La composition des produits peut être changée, en diminuant le taux de sucre et de graisse.
Des taxes peuvent faire leur effet. En Europe, 12 pays ont choisi d'introduire de telles taxes pour les boissons sucrées, sans qu'un impact sur l'économie soit constaté. "Ces pays ont démontré une diminution des achats et de la consommation et dans certains pays, comme au Portugal, une diminution du taux d'obésité chez les enfants", précise-t-elle.
Mieux informer
L'information aux citoyens joue aussi un rôle, par exemple grâce à des outils comme le nutri-score, bien qu'il soit imparfait. L'étiquetage peut également être modifié. En effet, actuellement, seule la proportion totale de glucides est précisément indiquée.
Or, le sucre est souvent présent sous plusieurs formes (naturelles ou ajoutées) et provient de plusieurs ingrédients. Pour les connaître, le consommateur doit se référer à la liste des composants.
"Dès qu'on a plus de cinq ingrédients dans la liste, on est déjà face à un produit ultratransformé. Les sucres y sont fractionnés en glucose, sirop de glucose, fructose, mélasse, miel, etc. Le consommateur a beaucoup de peine à savoir exactement le sucre qu'il y a dedans. Ce n'est pas possible de connaître la proportion exacte", développe Nathalie Farpour-Lambert.
Éducation des plus jeunes
L'éducation des enfants et adolescents est également un bon instrument, par exemple grâce aux cours de cuisine à l'école. Il faut aussi réduire le marketing les ciblant, notamment sur les réseaux sociaux.
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Et enfin, il ne faut pas négliger le rôle des parents, qui ne doivent pas donner des goûters tout prêts pour la récréation. Que glisser dans le sac d'école, alors? "Il faut revenir à des produits bruts plus simples: un morceau de pain, une tartine, un petit bout de chocolat – on est bien sûr en Suisse – et des fruits, des produits laitiers non sucrés. Je rappelle qu'un yogourt aux fruits ou aromatisé contient quatre morceaux de sucre. Donc, un yogourt nature, si on le souhaite avec un peu de sucre ou du miel."
Propos recueillis par Frédéric Mamaïs
Adaptation web: Antoine Michel
L'édulcorant érythritol, autre substance alimentaire à risque
Les édulcorants se trouvent également un peu partout dans les produits alimentaires transformés. Selon une nouvelle étude publiée cette semaine dans Nature Medicine, une consommation importante d’érythritol, un édulcorant très répandu, double les risques d’infarctus et d’AVC. En cause: l'épaississement du sang provoqué par la substance. La coagulation peut provoquer des caillots qui bouchent les canaux sanguins.