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L'endométriose, un calvaire souvent tardivement diagnostiqué

Erreur de diagnostic, errance médicale, prise en charge lacunaire... La recherche, l'identification et les traitements autour des maladies qui touchent spécifiquement les femmes, à l'instar de l'endométriose, ne sont pas à la hauteur en Suisse. Au Parlement, des élus réclament des mesures pour mieux lutter contre cette affection.

L'endométriose – caractérisée par la présence de la muqueuse de l’utérus, l’endomètre, hors de l'utérus – est l'une de ces maladies méconnues. Elle n'est pourtant pas rare: entre 10 et 15% des femmes en âge de procréer en souffrent.

Aline, une jeune femme fribourgeoise de 34 ans, a témoigné lundi dans La Matinale de la RTS des douleurs chroniques qu'elle subit depuis des années et du parcours éprouvant avec son mari pour essayer d’avoir un enfant.

Trois opérations en cinq ans

Au cours des cinq dernières années, Aline a subi trois opérations. Le diagnostic sur sa maladie a finalement été posé il y a cinq ans, en 2018, après une première opération durant laquelle on lui retire une trompe de Fallope. Après cette intervention, aucun suivi spécifique n'a été fait.

"Ma gynéco ne connaissait pas très bien l'endométriose. Et je ne me plaignais pas plus que ça, car j'avais plus mal certains mois que d'autres et parce qu'on m'a toujours dit, depuis ma plus tendre enfance, depuis que j'ai mes règles, que c'est normal d'avoir mal", raconte Aline. "Au fil du temps, j'ai appris à gérer ces douleurs. Je prenais ma bouillotte, je la mettais sur le ventre et j'attendais que ça passe. Je prenais des anti-douleurs jusqu'à il y a deux ans, quand j'ai compris d'où les douleurs venaient", détaille-t-elle.

On m'a toujours dit, depuis ma plus tendre enfance, depuis que j'ai mes règles, que c'est normal d'avoir mal

Aline, atteinte d'endométriose

Car la maladie s'est propagée. Aline le découvre parce qu'elle se retrouve aux urgences à cause d’une infection qui touche sa deuxième trompe de Fallope. S'en suit une nouvelle opération. Le médecin lui retire la trompe qui lui reste. La jeune femme apprend alors qu'elle a de l’endométriose un peu partout sur ses organes internes. "Sur la trompe qui me restait, sur les ovaires aussi, sur le rectum, sur les ligaments des reins... J'en avais aussi sous l'intestin et à d'autres endroits encore...", énumère-t-elle. "Le médecin m'a dit: 'En gros, vous en avez un peu partout.'"

Fatigue chronique, ventre gonflé en permanence et douleurs insupportables, Aline comprend enfin les maux qui la faisaient souffrir ces dernières années.

Suivi lacunaire

Avec le recul, Aline s’interroge sur la manière dont sa maladie a été suivie au moment du premier diagnostic. Elle en a d’ailleurs rediscuté avec sa gynécologue de l’époque, qui a convenu qu'elle aurait peut être dû insister, contrôler davantage cette endométriose à partir du moment où sa patiente avait perdu sa deuxième trompe, en faisant des tests une fois par année ou en passant un IRM pour voir où en était la situation. Mais "je ne me plaignais pas autant" que ça, relève à nouveau la jeune femme.

En parallèle, la Fribourgeoise et son mari font une très mauvaise expérience dans un centre de procréation médicalement assistée du canton de Vaud.

Un diagnostic bien trop tardif

Aujourd’hui, Aline est suivie par un spécialiste qui lui convient. C'est lui qui a réalisé une troisième opération l'année passée pour enlever une nouvelle fois les adhérences d'endométriose sur ses organes internes. Elle aura toutefois dû attendre trois ans ans entre le premier diagnostic et le moment où elle s’est sentie prise en charge correctement. Elle aura aussi dû supporter des douleurs durant des années, bien avant que le mot endométriose ne soit prononcé.

"Depuis le premier jour où j'ai eu mes règles, on m'a envoyé chez un gynécologue qui m'a dit: 'Je vous donne la pilule, madame'. Je lui ai répondu que j'avais des douleurs atroces. Pour parvenir à l'atténuer, je me mettais sur le dos et mes frangines s'asseyaient sur mes jambes, parce que les Algifor ne faisaient même plus effet! Mais il m'a dit: 'Prenez la pilule, ça soignera vos douleurs'", témoigne Aline. La pilule est en effet l'un des moyens utilisés actuellement pour atténuer les symptômes de la maladie.

"Qu'on écoute davantage les femmes"

Au Parlement, des élus demandent de prendre des mesures pour mieux identifier et prendre en charge cette maladie, car en moyenne, les femmes touchées doivent attendre six ans entre l’apparition des premiers symptômes et le diagnostic. Ils plaident aussi pour promouvoir davantage la recherche scientifique, notamment pour trouver des traitements efficaces.

Mardi, le Conseil des Etats a ainsi soutenu par 26 voix contre 7 une motion du National demandant que les maladies touchant particulièrement les femmes fassent l'objet de recherches plus ciblées afin de permettre de meilleurs diagnostics. L'UDC était contre, de même que trois sénateurs romands du centre-droit.

>> Lire aussi : Des chercheurs bernois développent un test non invasif pour l'endométriose

Aline, elle, a rejoint l’association S-Endo, qui visibilise et sensibilise face à cette maladie. Elle et son mari sont toujours dans une procédure, douloureuse, pour avoir un enfant. Au monde politique, elle demande une chose: qu'on écoute davantage les femmes, qu'on les croie quand elles disent avoir mal et qu'on prenne en charge leur santé correctement.

>> Lire sur ce sujet : Carole Clair: "La recherche n'a pas assez pris en compte les femmes dans les essais cliniques"

Sujet radio: Camille Degott

Adaptation web: Vincent Cherpillod

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