Dans le podcast Dingue, Gaëlle raconte les minutes qui ont suivi son accouchement: "Je regarde mon bébé et je me dis: mon Dieu, mais c’est quoi ce truc? En fait je panique, je me dis, mais qu'est-ce que j'ai fait là?" Cette panique est renforcée par l’idée reçue selon laquelle une mère vit, nécessairement, à l’accouchement "le plus beau jour de sa vie".
"J'ai toujours entendu que c'était formidable, que dès que le bébé est là, on oublie tout, on est amoureux. Mais moi non. Je n’avais pas ce grand amour pour ce bébé, c'était violent."
La DPP n’apparaît pas nécessairement à la naissance du bébé. Elle peut surgir n’importe quand dans la première année de vie de l’enfant, parfois aussi avant la naissance, précise la pédopsychiatre Mathilde Morisod, médecin adjoint au service universitaire de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent du CHUV.
"On se rend compte qu’il y a beaucoup de dépressions post-partum qui, en fait, étaient déjà présentes dans le pré-partum. Donc on a tendance, maintenant, à parler de dépression péri-partum."
De la dépressivité à la dépression
La DPP fait partie de ces troubles mentaux pour lesquels il est particulièrement difficile de saisir la différence entre la norme et le trouble, les deux se situant sur un même continuum. L'année qui suit une naissance est toujours intense pour les parents. Une étude anglaise récente évalue qu'à cette période, un parent s’occupant d’un nouveau-né dort en moyenne 4h44 par nuit.
La carence de sommeil, l’inquiétude sur la santé du bébé et les angoisses provoquées par ces nouvelles responsabilités forment un cocktail que déguste la majorité des parents. Ainsi, une légère dépressivité est tout à fait normale.
Pour autoévaluer si l’on est face à une dépressivité passagère ou à une DPP, il existe un outil nommé l’EPDS (Edinburgh Postpartum Depression Scale). Il est disponible en ligne et en français. En 10 questions, il permet de s’orienter.
Des facteurs de vulnérabilité
Comme pour tous les troubles mentaux, il y a une part de génétique dans la vulnérabilité à la DPP. On sait par exemple que les personnes vivant avec un trouble anxieux ou un trouble de l’humeur sont plus à risque que la moyenne de développer une DPP. Par ailleurs, l'enfance de la personne joue un rôle majeur dans sa façon de vivre cette étape. "L’entrée dans la parentalité va opérer des remaniements intrapsychiques. Cela va réveiller des souvenirs, parfois douloureux, de sa propre enfance", précise Mathilde Morisod.
Lorsque la DPP est sévère, on doit avoir recours à des antidépresseurs, mais ce n’est vraiment pas la majorité des cas
De son côté, Gaëlle explique qu’elle ne sait pas encore exactement ce qui s’est passé il y a quatre ans au moment de la naissance de son fils. Elle considère qu'une partie du problème est probablement liée au rôle de son père dans son enfance. "J'ai eu un papa très contrôlant et je ne me sentais, par moments, pas libre. Je pense que cette liberté a été très importante pour moi à l'âge adulte, et à la naissance de mon bébé, je l’ai perdue."
Une maladie qui se soigne bien
Selon Mathile Morisod, la DPP se soigne généralement très bien. "Lorsqu'elle est sévère, on doit avoir recours à des antidépresseurs, mais ce n’est vraiment pas la majorité des cas. C’est vraiment un travail psychothérapeutique sur la question de ce que cette naissance a réveillé pour la personne concernée."
La DPP n’est pas une exclusivité féminine, de récentes études révèlent que près de 11 % des hommes accédant à la parentalité y sont sujets.
>> Sur ce sujet : Dépression post-partum, les pères en souffrent aussi
Aujourd’hui, Gaëlle va bien. Sa relation avec son fils est belle :"Je ne peux pas imaginer ma vie sans lui, c'est mon fils chéri que j'aime plus que tout." Elle dit aussi avoir retiré du positif de ce qu'elle a reçu, par-delà la souffrance. "Quand on vit une période de vie si intense sur le plan de la survie, quand on se dit qu’on s’en est sorti, on se voit comme une guerrière. Vraiment je me sens beaucoup plus forte."
Adrien Zerbini/asch