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Comment les joueuses de l'équipe de Suisse de foot jonglent avec leur cycle menstruel?

Vendredi 21 juillet: la Suissesse Ramona Bachmann célèbre son but inscrit au Mondial féminin en Nouvelle-Zélande. [Keystone - Michael Buholzer]
L’impact du cycle menstruel sur une équipe de foot en Coupe du monde / La Matinale / 4 min. / le 28 juillet 2023
Comment les joueuses de l'équipe de Suisse de football intègrent les différentes phases de leur cycle menstruel avec la nécessité d’être constamment au meilleur niveau? Cette question longtemps taboue fait aujourd'hui partie du quotidien des joueuses et du staff.

Depuis 2019, l'Association suisse de football a engagé Mélanie Pauli comme responsable de la formation athlétique et de la prévention des blessures. Elle a développé pour l'équipe de Suisse une méthodologie prenant en compte les règles comme paramètre de la performance.

"La performance, c'est comme une montre mécanique suisse avec tout plein de petites pièces qui vont définir son efficacité. Et le cycle menstruel est une toute petite pièce. Les autres, ça peut être la technique, la tactique, la forme physique, la force mentale etc. Mais la petite pièce influence aussi la performance. Il est donc important d'en tenir compte", détaille Mélanie Pauli dans La Matinale de la RTS.

Consignes en fonction du cycle

L'entraînement est ainsi axé sur le cycle menstruel. En fonction de la phase dans laquelle se trouvent les joueuses, il y aura des consignes particulières ou des recommandations. Cette méthode se base sur trois axes: la nutrition, l'activation et la régénération.

"On va suivre la fluctuation hormonale et on va aider le corps, que ce soit au niveau prévention, activation, régénération ou au niveau nutrition. Ce sont des stratégies qu'on utilise selon la situation hormonale", précise Mélanie Pauli.

Je n'aime pas parler d'aspect négatif du cycle menstruel. Il fait partie de nous, on a cette fluctuation et il faut travailler avec.

Mélanie Pauli, responsable de la formation athlétique et de la prévention des blessures de l'équipe de Suisse

Elle développe: "Des fois, ton corps a besoin de plus de repos, mais tu ne peux pas te permettre de louper un entraînement. Le corps peut s'entraîner dans n'importe quelle phase. Mais si tu sais dans quelle phase tu te trouves, tu sais que ton corps a par exemple besoin de plus de régénération, donc on va s'adapter."

"C’est la même chose en période d'ovulation où l'oestrogène est au pic, il y a une laxité des tendons. On ne va pas dire 'je ne vais pas jouer aujourd'hui parce que je risque de me blesser'. Mais on va activer toute la chaîne arrière qui protège ton genou afin que tu puisses utiliser cet impact. Donc je n'aime pas parler d'aspect négatif. C'est le cycle, il fait partie de nous, on a cette fluctuation et il faut travailler avec."

Limiter les blessures

Cette stratégie permet de diminuer certains symptômes ou de limiter par exemple le risque de blessure. On sait que durant certaines phases les joueuses sont plus vulnérables à certaines blessures comme les fractures de fatigue ou les déchirures de ligaments croisés. Il y a aussi l'impact sur l'aspect mental. Cette stratégie permet aux joueuses de se sentir bien et d'être prête mentalement.

Mais pour appliquer cette méthodologie, il faut récolter des données, ce qu'on appelle le "tracking". Depuis l'année dernière, Mélanie Pauli enregistre via une application chaque cycle de ses joueuses avec chaque symptôme ressenti qu'ils soient positifs ou négatifs afin de pouvoir créer des plannings individuels.

Généraliser la pratique

Si les Suissesses sont pour l'instant avec l'équipe nationale, elles vont ensuite repartir chacune avec leur club qui applique peut-être des stratégies différentes.

"Dans l'équipe nationale on travaille beaucoup là-dessus, mais je pense que de manière générale dans le football féminin, il y a encore beaucoup de travail à faire", témoigne l'attaquante de l'équipe de Suisse et de Dijon Meriame Terchoun.

"Par exemple moi à Dijon, j'ai un staff complètement masculin, ça demande donc plus de travail pour que le coach et le staff me comprennent, pour aussi faire le tracking. Mais on peut déjà beaucoup faire individuellement, sur notre alimentation, sur notre façon de récupérer. Dans le football professionnel, si on veut rester au haut niveau, il faut vraiment travailler là-dessus."

Des efforts sont aussi à faire au niveau scientifique, car les études sur la relation entre le cycle menstruel et la performance ne font que commencer. Il s'agira ensuite d'appliquer ces stratégies à plus large échelle, car ça ne concerne pas uniquement les joueuses professionnelles. Surtout, il y a encore un tabou à briser, de façon à ce que ce sujet puisse être abordé tout à fait naturellement avec son ou sa coach.

>> Les explications dans le 12h45 :

Pour la Coupe du monde, l'équipe suisse de football féminin a mis en place un entraînement qui tient compte du cycle menstruel
Pour la Coupe du monde, l'équipe suisse de football féminin a mis en place un entraînement qui tient compte du cycle menstruel / 12h45 / 1 min. / le 28 juillet 2023

Grégoire Perroud/asch

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