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Le "Livre noir du coton-tige", véritable réquisitoire contre un objet culte

Des cotons-tiges. [Depositphotos - Daizuoxin]
Kiosque: oubliez le coton-tige, arrêtez de nettoyer vos oreilles ! / On en parle / 7 min. / le 8 juin 2023
Dans son ouvrage "Le livre noir du coton-tige", le médecin français Olivier Morineau s'en prend frontalement à celui qui est devenu un outil d'hygiène omniprésent dans les salles de bain. L'ORL casse le mythe du coton-tige, qui crée parfois ce qu'il appelle une "cotomanie".

Selon le mythe, c'est en 1923 que Leo Gerstenzang eut l'idée de commercialiser le coton-tige après avoir observé sa femme nettoyer l'oreille de son enfant avec un cure-dents sur lequel elle avait collé du coton. Cent ans plus tard, la petite entreprise créée par cet Américain d'origine polonaise - aujourd'hui appelée Q-Tips - est un véritable mastodonte des produits hygiéniques. La firme appartient depuis 1987 au géant de l'agroalimentaire Unilever.

Sur la base des théories de l'hygiénisme et sur de redoutables campagnes marketing, ce petit bâtonnet ouaté - initialement en bois, puis en plastique, et finalement en papier - est donc devenu un géant industriel et s'est rendu essentiel à l'hygiène corporelle. Il s'écoule 800 "q-tips" chaque seconde dans le monde, soit près de 30 milliards par an.

Le coton-tige représente pourtant un risque majeur pour la santé des oreilles, clame Olivier Morineau dans son pamphlet "Le livre noir du coton-tige", sorti récemment aux éditions JouVence. Il peut provoquer des dégâts sérieux, voire irrémédiables. La liste de ses méfaits est longue: bouchon de cérumen, infections, perforation du tympan... jusqu'à, dans certains cas, une paralysie faciale, relaie l'émission On en parle de la RTS.

"Cotomanie"

Au-delà des problématiques physiologiques que peut engendrer l'utilisation des cotons-tiges, Olivier Morineau considère le fait de se curer les oreilles régulièrement comme une maladie. Pour expliquer cela, il a créé un néologisme: la cotomanie, considérée comme la manie de s'introduire un bâtonnet dans l'oreille plusieurs fois par jour.

"Beaucoup de gens sont accros, car c'est souvent agréable comme sensation. Il faut savoir que l'oreille est très sensible, très innervée, voire érogène pour certains", détaille Olivier Morineau dans un entretien sur l'antenne de la radio France Bleu. A tel point qu'au Japon, notamment, des salons de beauté spécialisés dans le soin des oreilles ont pignon sur rue - plusieurs vidéos Youtube vues, pour certaines, des millions de fois en témoignent.

"Pour moi, le fait d'utiliser des coton-tiges est une maladie de l'ordre des toxicomanies. Beaucoup de gens sont accros au coton-tige et ne savent pas s'arrêter", poursuit le spécialiste des oreilles.

Dans son cabinet, l'ORL affirme être confronté quotidiennement à des gens qui viennent consulter pour des bouchons de cérumen ou pour des démangeaisons. "Ils nous disent avec un naturel désarmant qu'ils utilisent régulièrement des cotons-tiges, voire tous les jours."

Démystifier une idée préconçue

A travers son ouvrage, Olivier Morineau cherche aussi à démystifier l'idée préconçue que l'oreille est sale lorsque le cérumen ressort. "Le cérumen est une sécrétion qui est faite pour protéger la peau du conduit auditif. Dedans, vous avez des corps gras, des pigments, des peaux mortes et des bactéries."

"Ce n'est pas un signe de saleté, au contraire", réagit le médecin, qui ne s'est plus 'curé les oreilles' depuis 35 ans. "Le cérumen est très utile, car le gras permet d'empêcher l'eau d'entrer dans le conduit et d'accoler les impuretés qui voudraient entrer. Il faut aussi comprendre qu'il s'élimine spontanément par un système de tapis-roulant qui part du fond du conduit. En cas de bouchon, c'est qu'on l'a empêché de partir et qu'on l'a repoussé... par exemple avec un coton-tige."

L'utilisation des fameux Q-tips peut aussi engendrer des démangeaisons chez certaines personnes, voire des otites: "En retirant la cire protectrice, on crée des microtraumatismes de la peau du conduit. La peau va être plus inflammatoire et moins étanche", note-t-il.

D'autres solutions

Mais alors, comment utiliser le coton-tige? "Je ne peux pas répondre. Il ne faudrait pas l'utiliser du tout. En France, sur les boîtes, il est normalement indiqué qu'il ne faudrait pas les utiliser dans le conduit auditif, donc l'oreille", précise Olivier Morineau, qui milite pour que le message soit écrit en gros sur les paquets... comme pour les cigarettes.

A défaut d'un coton-tige, le petit doigt, un papier ou un tissu humide permettent de chasser les résidus de cire qui se déposent parfois sur le pavillon extérieur de l'oreille.

Le Q-tips a également d'autres utilités, il peut être utilisé pour se maquiller, nettoyer les touches de son ordinateur ou pour faire des bricolages avec ses enfants.

Jérémie Favre

Sujet radio: Xavier Bloch

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