C'est "le contexte dans lequel sont utilisés les écrans et non seulement le temps d'écran (qui) joue sur le développement cognitif des enfants", concluent les auteurs de cette étude, réalisée sous l'égide de l'Institut français de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et publiée dans la revue Journal of Child Psychology and Psychiatry.
La surexposition des enfants aux écrans - ordinateurs, smartphones, télévisions - donne lieu depuis plusieurs années à une vague d'alarmisme chez les responsables politiques ainsi que quelques soignants qui y voient une grave menace au point, pour certains, d'évoquer un lien avec l'autisme.
Une cohorte de 14'000 enfants
Le consensus scientifique est toutefois bien plus mesuré. L'étude de l'Inserm, vient s'ajouter à d'autres travaux qui relativisent les problèmes liés à l'usage d'écrans en lui-même et les replacent dans un contexte plus large.
Il s'agit d'une étude de "cohorte", un type de travail qui permet d'établir des conclusions très solides. Un groupe de 14'000 enfants a donc été suivi en France pendant des années.
Les chercheurs ont évalué ces enfants à trois âges: deux ans, trois ans et demi et cinq ans et demi. Ils concluent à un lien "limité" entre l'usage d'écrans et leur développement intellectuel.
L'importance du contexte
Certes, "aux âges de 3,5 et 5,5 ans, le temps d'exposition aux écrans était associé à de moins bons scores de développement cognitif global, en particulier dans les domaines de la motricité fine, du langage et de l'autonomie", détaille l'Inserm dans un communiqué.
"Cependant, lorsque les facteurs relatifs au mode de vie et susceptibles d'influencer le développement cognitif étaient pris en compte (...), la relation négative se réduisait et devenait de faible magnitude", enchaîne l'organisme.
De plus, l'étude montre que tous les domaines cognitifs ne seraient pas affectés de manière uniforme. "Ce que l'on observe, c'est que c'est le langage oral qui serait le plus touché", explique Jonathan Bernard, le chercheur qui a dirigé l'étude, jeudi dans La Matinale.
Il constate également que "le contexte d'utilisation jouerait un rôle au moins aussi important que le temps d'écran passé par les enfants". Autrement dit, ce n'est pas tant la présence d'écrans qui influence le développement de l'enfant que le moment et la manière dont celui-ci les regarde.
La télévision pendant les repas
Par exemple, les enfants étudiés semblent nettement pâtir du fait de regarder fréquemment la télévision en famille pendant les repas. A l'âge de deux ans, être confronté aux écrans pendant les repas en famille engendre en effet un retard dans le développement du langage et fait perdre 1,5 point de QI en moyenne.
"Le repas familial est un moment d'échange verbal entre les membres d'une famille", explique Jonathan Bernard. "Pour un enfant de deux ans, c'est un moment où il peut acquérir des nouveaux mots, écouter ses parents, comprendre, répéter", poursuit-il, "et donc si une télévision est allumée à cet instant, elle peut perturber les échanges".
Le principal auteur de l'étude, l'épidémiologiste Shuai Yang, estime également que "la télévision, en captant l'attention des membres de la famille, interfère avec la qualité et la quantité des interactions entre les parents et l'enfant". "Or, celle-ci est cruciale à cet âge pour l'acquisition du langage", poursuit-il.
La cohorte de 14'000 enfants continuera à être suivie sur le long terme ce qui permettra, dans quelques années d'évaluer l'impact cumulatif des écrans depuis la petite enfance jusqu'à l'adolescence.
edel avec afp