"J’ai besoin d’avoir quelques réserves avec moi pour pouvoir me changer", raconte Marie-Christine Oberli, qui souffre d’incontinence urinaire sévère. "Je vais aussi aux toilettes au minimum quinze fois par jour. Dans les trains, parfois les toilettes sont fermées, parfois elles sont dégueulasses, ce n’est pas évident."
La retraitée de La Chaux-de-Fonds utilise onze protections urinaires par jour, soit plus de 4000 par an, pour un coût d’environ 4400 francs par année.
D’après l’Association européenne d’urologie, les coûts liés à l’incontinence se monteraient à 38 milliards de francs par an au niveau européen. Une femme sur deux est en effet victime d’incontinence légère ou lourde au cours de sa vie et les hommes sont également touchés.
Des caisses maladies qui rechignent
Le coût de l’incontinence n’est toutefois pas que financier. "J’ai atteint le fond, perdu toute autonomie, toute liberté", témoigne un sexagénaire romand, devenu incontinent à la suite d’une opération de la prostate, mardi dans l’émission A Bon Entendeur de la RTS.
J’ai atteint le fond, perdu toute autonomie, toute liberté
"Souvent, j’avais des pertes imprévisibles au milieu de la nuit et je me retrouvais à récurer le sol, à panosser, à faire des gestes que je n’aurais jamais pensé devoir faire un jour", détaille-t-il.
Un enfer et une caisse maladie qui rechigne à prendre les coûts en charge, déplore son épouse: "Les couches, les sacs poubelle, c’était 500 francs par mois, ça fait 6000 francs par an, c’est quand même un budget. Les assurances ne voulaient pas les prendre en charge, mais il ne faut jamais se laisser faire, on a des droits et il faut les faire valoir."
L’assurance de base rembourse en effet jusqu’à 1884 francs par an pour une incontinence totale diagnostiquée par un médecin. Après 14 mois de calvaire, l’homme a subi une chirurgie délicate: la pose d'un sphincter urinaire artificiel, qui lui a permis de retrouver son autonomie et son amour propre.
Sept ans avant de consulter
Les patients atteints d’incontinence tardent en effet souvent à consulter, relate le Dr Nuno Grilo, responsable du centre de neuro-urologie du CHUV. Le sujet "reste très tabou, les patients ont de la peine à en parler", explique le spécialiste.
"On sait qu’une femme incontinente peut attendre en moyenne jusqu’à sept ans pour chercher de l’aide face à son incontinence", précise-t-il.
Une femme incontinente peut attendre en moyenne jusqu’à sept ans pour chercher de l’aide
Certains signes devraient toutefois inciter à consulter, estime Isabelle Grand, physiothérapeute et spécialiste du plancher pelvien. Par exemple, le fait d’uriner plus de sept fois par jour ou plus de deux fois par nuit.
Les jeunes mamans souvent touchées
Parmi les personnes exposées au risque d’incontinence se trouvent les jeunes mamans, dont le périnée peut être mis à mal par la grossesse et l’accouchement. C’est le cas de Gwen Maillard, qui a eu des fuites après la naissance de sa fille. "J’ai été surprise: elle était toute petite, tout s’est bien passé et je n’ai pas eu de déchirure."
Mais l’incontinence peut se manifester après tout type d’accouchement et les accouchées le découvrent parfois de manière brutale. "C’était vraiment la honte, raconte Gwen Maillard. Je me suis retrouvée chez ma mère, j’ai rigolé… et j’ai vite dû rentrer chez moi parce que je me suis fait pipi dessus. Heureusement que c’était ma mère."
Des problèmes que la jeune femme ne rencontre plus aujourd’hui grâce à des séances de rééducation périnéale. En cas d’incontinence post-partum, les assurances prennent en charge les six à neuf séances nécessaires à cette rééducation dans les semaines qui suivent l’accouchement.
Johanna Commenge, Véronique Amstutz, Linda Bourget/jfe
Le test d'ABE sur les protections urinaires
- Les produits sont notés sur 5 points (Très bon: 5 à 4.3 / Bon: 4.2 à 3.8 / Satisfaisant : 3.7 à 3.1 / Insatisfaisant: 3 à 2.1 / Mauvais: 2 à 1).
- Pondération pour les bandes : absorption 55%, anatomie 30%, praticité 15%.
- Pondération pour les culottes : absorption 64%, anatomie 27%, praticité 9%.
Muscler son périnée pour éviter les fuites
Renforcer le périnée permet de limiter les risques de fuites tant pour les hommes que pour les femmes. Situé dans la partie basse du bassin, le périnée est l’ensemble de muscles que l’on active lorsque l’on se retient d’uriner.
Des exercices très simples permettent de le renforcer. "Vous pouvez maintenir le périnée serré pendant 3 secondes, puis 5, puis 10, et puis ensuite vous pouvez maintenir ce périnée serré pendant les activités de la vie quotidienne, par exemple quand vous faites la vaisselle ou quand vous vous brossez les dents", explique Isabelle Grand, physiothérapeute au CHUV.
"Faire une série de 10 contractions de temps en temps dans la journée, c’est un bon début", précise-t-elle.
Adopter un bon comportement aux WC
Préserver son périnée passe aussi par l’adoption d’un bon comportement lorsque l’on va aux toilettes. "On a tendance à passer trop de temps sur les toilettes, à pousser, à retenir sa respiration, à rester en apnée et tout cela va vraiment favoriser la descente d’organes, appuyer sur le périnée et le distendre", commente Isabelle Grand.
Et de détailler: "Il faut éviter de forcer, éviter cette apnée et relâcher ses muscles."
Certains sports sollicitent également fortement le périnée, comme la course à pied, le trampoline ou le crossfit. "Plus on en fait, plus cela peut mener à des incontinences", commente la physiothérapeute. "Idéalement, il faudrait faire des exercices de renforcement au quotidien à côté."