Après avoir fait remarcher des patients atteints de lésions de la moelle épinière, la neurochirurgienne Jocelyne Bloch et le neuroscientifique Grégoire Courtine se sont associés avec une équipe de recherche de Bordeaux pour faciliter la marche des personnes atteintes de Parkinson.
Des troubles de la marche surviennent chez 90% des personnes présentant un stade avancé de la maladie de Parkinson. "D'où l’idée de développer une neuroprothèse pour corriger les troubles locomoteurs de ces patients", explique Grégoire Courtine, professeur en neurosciences à l'EPFL, au CHUV et à l'Université de Lausanne (voir le communiqué).
Aujourd'hui, "on constate qu’en stimulant la moelle épinière, de la même façon que nous l’avons fait chez des patients paraplégiques, on arrive à corriger les troubles de la marche dus à la maladie de Parkinson", ajoute la neurochirurgienne Jocelyne Bloch, professeure au CHUV, à l'UNIL et à l'EPFL, et codirectrice du centre .NeuroRestore avec Grégoire Courtine. La prouesse est détaillée lundi dans la revue Nature Medicine.
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"La taille et la forme d'un pacemaker"
"Il s'agit de mettre des électrodes dans la région de la moelle épinière qui contrôle les jambes", précise dans Forum Jocelyne Bloch.
"Ce n'est donc pas dans la moelle épinière, mais au-dessus. Et puis ces électrodes sont connectées à un neurostimulateur, qui a la taille et la forme d'un pacemaker, sous la peau, et qui fonctionne avec une télécommande qui nous permet de faire des réglages."
Un malade à un stade très avancé
Le premier patient a été opéré en 2021 et l'équipe va poursuivre l'expérience sur un groupe de six malades de Parkinson. Car un autre patient a aussi reçu l’implant, mais avec moins d'effets dans sa vie de tous les jours, et les essais doivent se poursuivre.
La fondation Michael J-Fox a versé un million de dollars pour favoriser la recherche.
"Maintenant, (...) je peux marcher d'un point à un autre sans me soucier de la façon dont je vais y arriver", résume auprès de l'AFP le patient français opéré avec succès. "Je peux aller me promener, aller faire des courses seul. Aller faire ce que je veux", indique Marc, 62 ans.
Ce sexagénaire est atteint depuis une trentaine d'années d'une maladie de Parkinson, à un stade donc très avancé. Il ne parvenait plus à marcher qu'avec de grandes difficultés.
C'est le cas de presque tous les patients quand la maladie a beaucoup progressé. Ils sont notamment atteints de "freezing", un blocage soudain qui provoque souvent une chute.
Symptôme compliqués à traiter
Pour traiter Parkinson, il y a d’abord les médicaments. Et parfois des électrodes greffées dans le cerveau, qui font cesser les tremblements. Mais ces thérapies perdent en efficacité avec le temps, et la marche en pâtit.
Les symptômes finissent par lourdement handicaper les patients, condamnés à terme à rester alités ou dans une chaise roulante.
Dans le cas de Marc un système complexe d'électrodes, une "neuroprothèse", a été implanté sur la moelle épinière.
Résultat: cette neuroprothèse "a réduit les troubles de la marche, les problèmes d'équilibre et le freezing", résument Jocelyne Bloch et Grégoire Courtine.
L'équipe a collaboré avec un troisième homme, spécialiste de cette pathologie: le neurobiogiste Erwan Bézard, chercheur à l'Inserm, qui a d'abord testé cette prothèse pendant plusieurs années sur des singes.
Remplacer l'action du cerveau
Le principe est le même que pour les paralytiques. Des électrodes sont placées à des points cruciaux de la moelle épinière afin de remplacer l'action du cerveau.
Dans le cas des paralytiques, leur accident avait interrompu le contact entre le cerveau et une partie de la moelle épinière. Chez le patient Marc et les parkinsoniens en général, ce contact existe toujours mais c'est le cerveau lui-même qui fonctionne mal à cause de la disparition progressive des neurones générant un neurostransmetteur, la dopamine.
Pour fonctionner, le système ne doit donc pas se contenter d'envoyer des stimulations électriques. Il doit pouvoir assumer le rôle du cerveau en générant ces stimulations au bon moment pour que le mouvement corresponde aux intentions du patient.
"L'idée, c'est qu'on va aller mesurer les mouvements résiduels, donc l'intention de la marche, avec des petits capteurs qui sont localisés sur les jambes", a expliqué Grégoire Courtine. "Grâce à ça, on sait si la personne veut faire une phase d'oscillation ou s'arrêter, et on va donc ajuster la stimulation en fonction."
cab avec les agences