La découverte des antibiotiques au milieu du 20e siècle a augmenté notre espérance de vie de 15 ans. C'est plus que les cinq ans que nous donnerait un médicament soignant le cancer. Problème: avec l'augmentation de la consommation d'antibiotiques, les bactéries se sont adaptées et sont devenues résistantes à ce traitement.
Ça m’a fait peur, ça m’a fait très peur (…) Si un jour j’ai besoin d’antibiotiques ou un traitement d’antibiotiques pour quelque chose de plus conséquent, et que je suis résistante, comment va-t-on me soigner?
Les Alémaniques champions d'Europe
Sur les dix dernières années, la consommation d'antibiotiques a baissé de plus d'un tiers en Suisse. La partie alémanique du pays est même devenue la région d'Europe qui consomme le moins. Les Suisses romands font moins bien. Selon les données des assurances en 2021, tous les cantons romands sont au-dessus de la moyenne nationale et Genève affiche la plus grande différence avec un écart de 45%.
"C'est clair et évident, il y a des différences socio-culturelles, ce n'est pas qu'il y ait plus d'infections ici en Suisse romande. Il y a des questions de croyance et aussi de demande", constate Stephan Harbarth, médecin-chef du Service de prévention et contrôle de l'infection aux HUG, dans le 19h30.
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La proximité culturelle et géographique avec la France, pays où l'on consomme beaucoup plus d'antibiotiques qu'en Allemagne, explique aussi le phénomène, tout comme le fait que les Alémaniques recourent plus facilement aux médecines douces. Conséquence: plus de résistance de ce côté du Röstigraben. Elle se chiffre par exemple à 9 points supplémentaires pour la bactérie e.coli à Genève, toujours par rapport à la moyenne suisse.
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Peu de recherches
Cependant, il n'y a pas réellement d'investissements conséquents sur la recherche de nouveaux antibiotiques. Thierry Mauvernay expliquait cela de la façon suivante: "Il n'y a pas de business model. En fait, si vous voulez trouver de bons antibiotiques, c'est possible qu'il n'y ait qu'un tout petit nombre de personnes qui les utilisent et donc ça va vraiment contre la loi du marché. En plus, toutes ces infections sont développées dans les pays en voie de développement."
Une des solutions serait que les Etats assument le risque financier de cette recherche. Des projets concrets existent aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, mais ils ne sont pas prioritaires. Pourtant, suite au Covid-19, on connaît aujourd'hui le prix d'une pandémie: le FMI l'a estimée entre 10'000 et 15'000 milliards de dollars.
Des virus mangeurs de bactéries
Fiables et efficaces, le succès des antibiotiques a fait oublier les découvertes précédentes des bactériophages, ou virus mangeurs de bactéries. Aujourd'hui, la résistance les remet au goût du jour. En juin dernier, à Genève, un phage a sauvé un patient de 41 ans souffrant d'une atteinte pulmonaire chronique qui résistait aux antibiotiques.
"Lors de l'administration de ce phage, j'étais mourant. A terme, cette bactérie m'aurait emporté (…) Je suis la preuve vivante que ça fonctionne", témoignait José Maria Vidal.
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"On a pris les souches de notre patient et on a testé les banques européennes de phages à disposition, puis américaines, pour trouver le phage qui était capable de tuer la bactérie qui infectait notre patient", détaille Christian Van Delden, médecin-adjoint agrégé du Service des maladies infectieuses aux HUG.
Et dans ce cas-là, aucun effet secondaire n'a été observé sur le patient. La bactérie n'est pas devenue plus résistante ou plus virulente après le traitement. Quant au phage, il a disparu à mesure qu'il mangeait la bactérie. Guéri, José Maria Vidal est devenu ambassadeur de ce type de traitement, aujourd'hui administré exclusivement de manière expérimentale, en dernier recours.
Et vous dans tout ça?
Depuis 2015, la Suisse a une stratégie nationale de lutte contre l'antibiorésistance dans l'environnement, la santé animale et la santé humaine, où votre rôle est important.
Si votre médecin vous a prescrit des antibiotiques, respectez la posologie à la lettre, n'omettez aucune prise, ne partagez pas vos tablettes et rapportez les emballages entamés.
N'en prenez jamais en automédication, c'est risqué et cela peut conduire à des résistances.
Claire Burgy