- Qu'est-ce que le diagnostic préimplantatoire?
Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est une procédure médicale qui consiste, dans le cadre d’une fécondation in vitro (FIV), à examiner les embryons sur le plan génétique avant de les transplanter dans l’utérus en vue d'une grossesse.
Le but principal du DPI consiste à vérifier que l’enfant à naître ne souffrira pas d’une quelconque maladie grave. Le DPI doit ainsi offrir une solution moins traumatisante que ne l'est une éventuelle interruption de grossesse consécutive à un diagnostic prénatal.
Témoignage d'un couple ayant eu recours à un DPI
- Que dit la loi actuellement?
En Suisse, le DPI est interdit depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2001, de la loi sur la procréation médicalement assistée. Cette situation devrait changer: le Parlement a chargé en 2004 le Conseil fédéral de présenter une réglementation qui lève l'interdiction de cette pratique médicale, en fixant des conditions-cadre strictes.
Après avoir accepté d'entrer en matière, la Chambre du peuple a entamé l'examen de la loi. Puisque l'objet requiert une modification de la Constitution, il sera en dernier lieu soumis au peuple.
>> Lire : Le Conseil national soutient le diagnostic préimplantatoire
Si la Suisse veut autoriser cette pratique, c'est déjà la cas dans de nombreux pays européens, comme la Belgique, l'Allemagne, l'Espagne, ou la Grande-Bretagne, où les familles suisses concernées, et qui peuvent en supporter les coûts financiers, se rendent actuellement.
Pas remboursé, cher, pas toujours concluant: le DPI, un parcours du combattant
- Quels sont les enjeux qui sous-tendent le DPI?
Les enjeux éthiques sont nombreux et les débats chargés émotionnellement autour du dépistage préimplantatoire.
La peur de l'eugénisme:
Est-il légitime de fabriquer délibérément des embryons afin de les sélectionner par DPI?
En d'autre terme, est-il légitime de produire des embryons, qui sont de futurs enfants, avant d'en détruire une partie?
"Cela s'appelle de l'eugénisme", répond François-Xavier Putallaz, philosophe, membre de la Commission nationale d'éthique dans le domaine de la médecine humaine.
"Ce n'est pas un eugénisme racial, mais quelque chose de plus sournois, l'eugénisme libéral. On détermine par là qui mérite de vivre et qui ne mérite pas, comme s'il y a avait des existence plus valorisées que d'autres."
Les défenseurs de la mesure rétorquent qu'il s'agit de donner le plus de chances possibles à l'enfant à naître, afin d'éviter des pathologies lourdes, héréditaires ou pas.
Extraits du film d'anticipation "Bienvenue à Gattaca"
La question controversée des "bébés médicaments":
Aussi appelés "bébés sauveurs" ou "bébé double espoir", les "bébés médicaments" sont des embryons sélectionnés en vue de pouvoir par la suite faire un don de cellules souches à un frère ou une soeur atteints d'une maladie incurable, comme la leucémie.
Le don se fait de manière très précoce: les cellules souches sont tirées du cordon ombilical de l'enfant à naître. En Suisse, on estime à moins de 10 le nombre de familles intéressées par la mesure chaque année.
Le Conseil national, tout comme les Etats avant lui, a toutefois refusé le 2 juin 2014 d'autoriser le DPI pour la sélection d'embryons de "bébés sauveurs".
"Instrumentalisation de la dignité humaine"
Les "bébés médicaments" posent à leur tour la question de l'instrumentalisation de la dignité humaine. L'avis de François-Xavier Putallaz:
"Le problème, c'est que l'on renverse la perspective du diagnostique préimplantatoire, puisque dans la recherche de bébés sauveurs, on élimine également des embryons sains et on choisit cette fois-ci les caractéristiques d'un embryon pour qu'il soit compatible avec l'enfant à secourir. On passe d'un eugénisme négatif, que nous connaissons déjà, à un eugénisme positif, c'est à dire que l'on détermine délibérément les caractéristiques d'un enfant qui va naître."
Ceux qui défendaient la mesure ont au contraire argué qu'il faut faire prévaloir la dignité de l'enfant qui vit et qui risque de mourir sur celle de quelques cellules embryonnaires.
Le débat autour des enjeux éthiques du DPI dans Classe politique:
Katharina Kubicek
Soulagement de la Dr. Dorothea Wunder, médecin-chef de la reproduction au CHUV
Le DPI est-il à votre sens indispensable?
Je suis très heureuse de la décision du National aujourd'hui, ç'eut été une catastrophe de refuser d'entrer en matière sur le DPI.
Pour quelles raisons le DPI est-il important dans la reproduction assistée?
Dans les procédures de fécondation in vitro (FIV) en Suisse, nous avons actuellement entre 15 et 20% de grossesses multiples - parce qu’on n’est pas autorisé à congeler les embryons - contre environ 5% dans des pays comme la Suède ou la Belgique qui pratiquent l'«Elective single embryo transfert». Avec cette méthode, on met en culture tous les embryons, mais on en transfère un seul, choisi par microscope (au lieu de deux embryons comme en Suisse). Les autres embryons sont congelés. Cette technique permet de diminuer le risque de grossesse multiple, souvent synonyme de complications pour la mère et de séquelles pour les enfants, surtout en cas d'accouchement prématuré. En plus, les coûts pour la collectivité de telles complications sont importants.
Le DPI devrait également pouvoir être utilisé pour le diagnostic des anomalies génétiques, comme la trisomie 21...
Les examens du DPI révèlent en effet les anomalies génétiques spécifiques et des aberrations des chromosomes, et il est donc normal de pouvoir en informer les futures mères qui, souvent fragilisées, ont entamé un parcours du combattant en vue d'une grossesse réussie. Il s'agit d'éviter aux familles les souffrances liées à une fausse couche ou un avortement en cas d'anomalie révélé par amniocentèse.
Quelles limites éthiques fixeriez-vous au DPI?
Il faudrait évidemment des restrictions très claires inscrites dans la loi: on ne pourrait pas choisir le sexe ou la couleur des yeux de l'enfant par exemple. En un mot, on ne pourrait pas choisir de gènes qui ne sont pas indispensables pour sa santé.
Entre 20 et 100 DPI par année en Suisse
Entre 50 à 100 familles ont besoin chaque année d'un DPI pour leur enfant en Suisse, selon les estimations de Matthias Bürgin, biologiste et juriste, responsable du projet Diagnostic préimplantatoire à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP).