L'Union européenne a franchi une étape mardi en adoptant un texte qui doit permettre de retirer du marché "toute substance identifiée comme perturbateur endocrinien". Mais uniquement dans le domaine des pesticides. Et les preuves exigées sont encore élevées, ce que dénoncent plusieurs ONG. (Voir la définition et les effets des perturbateurs endocriniens en encadré.)
>> Relire à ce sujet : L'UE s'accorde sur une définition des perturbateurs endocriniens
Invité vendredi dans le Journal du matin sur RTS La 1ère, Thierry Buclin, professeur de pharmacologie clinique au CHUV, rappelle que ce qui fait le poison, c'est la dose. Mais tout le monde n'est pas égal face à ces perturbateurs. Le bébé dans le ventre de la mère se situerait dans une période extrêmement critique pour le développement de ses organes.
"On recommande aux femmes enceintes de se protéger plus que la moyenne des perturbateurs endocriniens." Mais pas seulement. Il y a ensuite la phase de croissance, des bébés et des enfants, qui ont plus à craindre que les adultes.
Bon sens à adopter
Que faire pour s'en prémunir? Du côté des autorités, il y a des interdictions de certains produits, auxquels on commence à assister, répond Thierry Buclin. Et côté consommateur, il y a un certain bon sens à adopter. "Ce gobelet en plastique relâche certains plastifiants dans l'eau que je bois. C'est l'une des petites nuisances qui nous entourent."
Le médecin-chef recommande donc de lutter contre le suremballage des denrées alimentaires - qui contaminent les aliments -, et de lutter contre la surconsommation de produits cosmétiques, comme les désinfectants. Ces derniers évitent les bactéries, mais certains de ces produits contiennent également des perturbateurs endocriniens.
Peintures, laques, vernis, sont également à éviter, non seulement sur soi-même, mais aussi dans son entourage immédiat. "Il y a un certain écologisme personnel qu'on peut appliquer au niveau individuel", conclut Thierry Buclin.
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Qu'est-ce qu'un perturbateur endocrinien?
Tous les organismes vivants ont un système endocrinien, soit une série de glandes qui sécrètent des hormones dans notre circulation. Ces hormones règlent toutes sortes de fonctions, de transformation des tissus, de la croissance à la différenciation sexuelle, en passant par la température du corps. Ces hormones sont des produits chimiques.
Or, il existe dans l'industrie, toutes sortes de molécules de produits de synthèse qui ont la faculté d'imiter ces hormones. Elles vont se fixer sur les mêmes récepteurs et avoir un peu les mêmes effets. Mais elle peuvent parfois avoir des effets contraires. Ce sont ces produits chimiques, qui ne sont pas prévus dans le programme de la nature, qui viennent "perturber" le fonctionnement du système hormonal.
Les troubles causés par les perturbateurs endocriniens
La plupart des perturbateurs agissent sur les hormones sexuelles. Mais il existe d'autres systèmes hormonaux également, explique Thierry Buclin.
"Ce qu'on observe, ce sont des troubles de la différenciation sexuelle et de la maturation sexuelle". Cela s'est vu à une échelle assez préoccupante auprès de certaines espèces, comme des poissons dans des rivières exposées à des polluants industriels, qui n'ont plus été capables de se reproduire ou qui ont changé de sexe, selon le médecin-chef de la clinique.
La crainte est donc que des phénomènes similaires affectent l'humanité. "On observe par exemple une augmentation des cancers du sein et on suppose que cette exposition perpétuelle aux perturbateurs endocriniens jouerait un rôle dans l'augmentation des cas."