Malformations physiques, retard de développement, troubles autistiques. Les "enfants Dépakine" peuvent être marqués à jamais par le traitement pris par leur mère durant la grossesse. En cause: la substance active de ce médicament, le valproate, un simple solvant dont les propriétés antiépileptiques ont été découvertes par hasard il y a plus de 50 ans.
Connus depuis les années 1980, ces risques n’ont été communiqués qu'à partir de 2006 par le fabricant, l'entreprise pharmaceutique française Sanofi. Et le scandale pourrait ne pas s’arrêter là: les effets de la Dépakine pourraient être transgénérationnels, rapporte mercredi l'émission de santé 36,9° de la RTS.
Une étude sur les effets à long terme de la Dépakine a été menée en Corée du Sud sur des rongeurs, a découvert 36,9°. Passée inaperçue, cette étude révèle ce qui pourrait être le début d’un nouveau scandale sanitaire similaire à celui du Distilbène: les malformations dues à la Dépakine se reportent sur plusieurs générations de souris.
En clair, les auteurs de l'étude ont observé des troubles mentaux non seulement chez des souriceaux exposés in utero au valproate, mais également sur la descendance de ces souriceaux jusqu'à la troisième génération, même si celle-ci n'a pas été exposée directement.
Swissmedic va demander une prise de position
Problème: ni Swissmedic, ni le fabricant Sanofi n'étaient au courant de l'étude ou de quelconques effets de la Dépakine sur plusieurs générations. Du côté des premiers, c'est la surprise. "Je n'avais jamais entendu parler de cela", avoue Rudolf Stoller, responsable du département de la sécurité des médicaments chez Swissmedic.
"Nous allons demander une prise de position aux firmes concernées", ajoute l'autorité suisse de surveillance des médicaments, soulignant qu'il n'y a pour l’heure pas de preuve des effets transgénérationnels du valproate chez l'homme.
"Ce n'est pas parce que l'on obtient tels résultats chez les souris que l'on peut déduire que cela se passe exactement de la même manière chez l'homme", confirme la Dre Ariane Giacobino, généticienne aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et spécialiste des mécanismes transgénérationnels.
"Mais ces résultats permettent de tirer la sonnette d'alarme et se demander s'il ne faudrait pas étudier cela de plus près. Et cela reste un modèle, la souris ayant un génome en partie similaire à celui de l'homme, on peut extrapoler", précise-t-elle.
Chez Sanofi, on s’étonne et on observe
La multinationale Sanofi était-elle au courant de ces risques sur plusieurs générations? "Nous avons un recul d'environ 50 ans depuis la mise sur le marché du médicament", explique Jacques-Henri Weidmann, directeur des affaires externes de Sanofi Suisse. "A ce stade, je n'ai pas de remontées à ma connaissance évoquant cette transmission de génération en génération."
Quant à la maison mère en France, elle indique ne pas avoir à ce jour initié d'étude sur cette problématique. Malgré les informations transmises par la RTS, elle compte simplement continuer à observer les travaux que la communauté scientifique déciderait d'entreprendre.
"Il est très difficile de réaliser de telles études chez l'homme", précise Sanofi France par écrit. "En ce qui concerne la recherche animale, ce sujet est complexe, il est à ce jour difficile d’interpréter les premiers résultats obtenus."
Le scandale Dépakine pourrait donc en cacher un autre. Et si l'antiépileptique provoque chez l'être humain des retards mentaux sur plusieurs générations comme chez la souris et modifie le fonctionnement de son ADN, les hommes prenant la Dépakine - et non seulement les femmes - seraient également à risque de transmettre le problème à leur descendance.
Maya Chollet