Au total, 67% des adultes ont parlé au moins une fois durant leur sommeil et 6% le font chaque semaine, rapporte cette enquête française parue dans la revue Sleep début novembre.
Les résultats montrent que le discours des somniloques est tout à fait correct grammaticalement. Les dormeurs semblent respecter des pauses et des temps de parole. Dans 90% des cas, les dormeurs s'adressent à un interlocuteur avec le "tu", le "vous" ou le "nous", en utilisant beaucoup l'impératif et l'interrogatif.
"Non", "putain", "merde"
Dans le palmarès des mots les plus prononcés, "non" tient le haut du podium, suivi d'articles, de pronoms et de différentes formes conjuguées du verbe "être". S'ensuivent les termes plus grossiers de "putain" et "merde".
Il existe plusieurs explications à ce phénomène. "Certaines régions du cerveau - celles de l'éducation - sont un peu moins activées pendant le sommeil. On sait que le lobe frontal, où se situe beaucoup de choses que l'on a appris de nos parents, est diminué lorsqu'on dort", explique Isabelle Arnulf, auteure de l'étude, vendredi dans l'émission CQFD.
La neurologue émet une autre hypothèse. "Un peu plus de deux tiers des rêves sont négatifs et mettent en oeuvre des situations de menaces (...) Dans ce cadre-là, les contenus des discours reflètent ces situations."
Un simulateur pour "apprivoiser la peur"
Si nos rêves sont si négatifs, c'est peut-être pour nous aider à affronter les problèmes quotidiens. "On ne sait pas (pourquoi les rêves sont négatifs), mais on sait qu'ils le sont. L'une des hypothèses suppose que c'est un bon simulateur pour faire face aux menaces durant la journée, une façon d'apprivoiser la peur", explique la neurologue.
"Les jeunes mamans qui viennent d'avoir un bébé, par exemple, ont beaucoup de rêves de l'enfant qui est en danger et elles joignent d'ailleurs volontiers le geste au rêve", précise-t-elle.
Les hommes plus bavards et plus orduriers
Isabelle Arnulf relève par ailleurs une différence entre les sujets masculins et féminins. "Les hommes parlent davantage que les femmes la nuit. Ils prononcent en moyenne 22 mots contre 15 pour les femmes. Et ils sont plus orduriers."
Parmi les phrases marquantes de somniloques, la chercheuse retient celle d'un Marseillais: "Il a énormément parlé la nuit... Et lors de l'un de ses rêves il a dit: 'qu'est-ce qu'on s'ennuie ici. Si on faisait quelque chose de marrant? Je ne sais pas... faire un bébé à Stéphanie de Monaco.'"
hend avec Lucia Sillig et Silvio Dolzan
18'000 enregistrements
Pour leur étude, les chercheurs ont effectué plus de 18'000 enregistrements de personnes durant leur sommeil. Au final, seuls 232 sujets ont été retenus pour 900 épisodes vocaux.