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La Prep, cette pilule "anti-VIH" efficace, mais peu utilisée en Suisse

Sida: la "PrEP", moyen préventif méconnu
Sida: la "PrEP", moyen préventif méconnu / 19h30 / 3 min. / le 1 décembre 2017
Quelque 500 nouveaux cas d'infection au VIH ont été recensés en Suisse en 2016. Un traitement méconnu suscite l'espoir des milieux de la prévention: la Prep. Une pilule efficace, mais chère et qui reste marginale en Suisse.

"Des amis assez proches ont été infectés ces trois dernières années par le VIH", confie Charles dans le 19h30 de la RTS vendredi. Chaque jour à la même heure, ce Genevois prend depuis plusieurs mois la Prep, ou prophylaxie pré-exposition, une pilule "anti-VIH".

"Cela rassure mes amis que j'utilise la Prep par rapport à nos relations", explique le trentenaire. "Pour moi, c'est une sécurité en plus, si jamais j'ai une relation non protégée ou si jamais la capote pète."

La Prep s'adresse à toute personne séronégative exposée à un risque important d'infection. Et surtout à des hommes ayant des relations avec d'autres hommes.

Suivi médical nécessaire

A l'origine de la Prep se trouve un médicament, le Truvada, utilisé depuis plus de 10 ans dans les trithérapies. Son efficacité de manière préventive a été démontrée par plusieurs études scientifiques. La prise de cette pilule peut se faire quotidiennement ou avant et après un rapport.

Dans les deux cas, un suivi médical au moins tous les trois mois est nécessaire. "Tout d'abord pour l'indication: le patient doit savoir s'il a vraiment besoin d'une Prep ou si d'autres moyens de prévention pourraient lui être utiles", explique Alexandra Calmy, responsable de l'unité VIH aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Un suivi nécessaire également parce qu'avec la Prep "lorsqu'on n'utilise pas de préservatif, lors de relations sexuelles à risque, on peut être protégé de l'acquisition du VIH, mais pas des autres infections sexuelles transmises", ajoute-t-elle. Des infections en augmentation en Suisse, selon les chiffres de 2016 de l'Office fédéral de la santé publique (OFSP): +15% pour la syphilis, +20% pour la gonorrhée et +8% pour la chlamydia.

Un coût "qui représente une barrière"

En Suisse, le nombre d'utilisateurs de la Prep reste marginal. On en compterait une centaine, alors qu'ils seraient entre 5000 et 10'000 en France et plus de 100'000 aux Etats-Unis.

La raison? Le Truvada n'est aujourd'hui pas reconnu par les autorités suisses comme traitement préventif. En le prescrivant, les médecins engagent donc leur responsabilité.

La Prep coûte par ailleurs particulièrement cher. Une boîte de 30 comprimés de Truvada est vendue à près de 900 francs en Suisse, soit 10'800 francs par an en prise continue. (précision de la rédaction: aujourd’hui, en 2019, des génériques sont disponibles dans plusieurs pharmacies suisses à partir de 75 CHF / 30 cp. )

En France, un générique de ce médicament coûte 207 francs la boîte. Mais début octobre, la justice helvétique a bloqué la vente de génériques du Truvada.

>> Lire aussi : Le générique du Truvada, médicament contre le VIH, bloqué en Suisse

Aux coûts du médicament s'ajoutent ceux du suivi médical recommandé par l'OFSP, qui reviendrait à 1800 francs supplémentaires par année, selon les informations de la RTS. Soit un total de 12'600 francs par an pour une prise en continu, ou de 3200 francs pour une prise intermittente une fois par mois.

Pour Sascha Moore, chargé de plaidoyer au sein du Groupe sida Genève, ce coût représente une barrière. "La Prep ne peut pas être remboursée par l'assurance maladie, l'OFSP estimant qu'elle n'est pas assez efficace à ce prix-là", explique-t-il. "Vu que le traitement n'est pas remboursé, les personnes ne peuvent pas financer d'elles-même une prise en continu."

"Pas des kamikazes!"

Face à cette situation, le Groupe sida Genève aide les utilisateurs avec ordonnance à trouver de la Prep moins chère. "Il existe des génériques sur internet, accessibles à travers des sites qui permettent de trouver des distributeurs de produits référencés par l'OMS", indique Hervé Langlais, chargé de projet au sein du groupe.

Mais une pilule "anti-VIH" accessible ne pousserait-elle pas à mettre le préservatif de côté? "Les personnes à risque ne sont pas forcément des kamikazes", estime Alexandra Calmy. "L'utilisation constante et en tous temps du préservatif pour tout le monde, reconnaissons-le, ça ne marche pas très bien!"

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Stephen Mossaz/tmun

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