Sur le marché du streaming, les concurrents de Netflix aiguisent leurs armes. Face au géant américain, les offres de plateformes de "video on demand" (VOD) se multiplient: le 1er novembre, Apple lance son propre service dans une centaine de pays dont la Suisse, suivi une dizaine de jours plus tard aux Etats-Unis par Disney.
De quoi inquiéter Netflix et ses 158 millions d'abonnés dans le monde? La multiplication des acteurs aura un impact sur la multinationale, estime Patrick-Yves Badillo, directeur du MediaLab de l'Université de Genève. "Il est évident que cela va effriter les parts de marché de Netflix", analyse dans le 19h30 le spécialiste en économie numérique. En Suisse, Netflix est utilisé par 28% des consommateurs, selon l'étude IGEM-DigiMonitor 2019.
"Mais ces nouveaux acteurs vont peut-être offrir d'autres types de contenu", ajoute Patrick-Yves Badillo, pariant sur des productions de moindre qualité, liées à l'histoire de chaque groupe. "Netflix a un avantage de capacité de production qui est avéré avec toutes les séries qui ont déjà été créées", explique-t-il. "Ce sont des vrais professionnels du cinéma avec évidemment Disney. Alors que de l'autre côté, Amazon et Apple ne le sont pas."
Deux ingrédients clés pour réussir
A l'heure actuelle, les fans suisses de vidéos à la demande ont déjà le choix entre plusieurs services, dont Netflix et ses forfaits à partir de 11,90 francs par mois et Amazon Prime Video et son abonnement à 7 francs par mois. Quant au nouveau venu Apple TV+, il sera disponible pour 6 francs par mois après un essai gratuit de 7 jours.
Des prix variés pour une offre qui l'est tout autant. Afin de se démarquer, ces plateformes devront maîtriser deux ingrédients clés, évalue Eric Grignon, CEO de Sky Switzerland. "Il y a celui de l'exclusivité. Et cela coûte cher, car ce sont des droits couvrant plusieurs territoires", précise le patron de l'entreprise très active dans la VOD en Suisse alémanique. "Et il y a l'ingrédient de la qualité du service. Car aujourd'hui, le consommateur veut un streaming qui fonctionne, qui soit simple et qu'on puisse regarder même en vacances."
Les différents concurrents ont déjà compris l'importance des exclusivités. Disney a ainsi récupéré ses catalogues "Star Wars", Pixar et Marvel dont Netflix diffusait une partie. Le numéro un du streaming a également perdu les dix saisons de Friends, repris par WarnerMedia aux Etats-Unis, ainsi que la série "The Office", raflée par NBCUniversal.
Un choix élargi pour le consommateur... et pour son porte-monnaie
Face à ces contenus dispersés sur des plateformes de plus en plus nombreuses, le fan de VOD va-t-il devoir débourser plus? "Si le consommateur suisse souscrit à plusieurs abonnements, c'est parce qu'il le souhaite", estime Patrick-Yves Badillo. Pour le professeur de l'Université de Genève, une telle concurrence mène surtout à davantage de diversité des programmes.
Et peut-être à une course aux investissements. En 2018, Netflix a dépensé environ 12 milliards de dollars en contenus, selon plusieurs analystes. Un montant appelé à encore augmenter à l'avenir si le roi du streaming veut continuer à attirer de nouveaux abonnés.
>> L'éclairage de Viviane Gabriel dans le 19h30:
Adaptation web de Tamara Muncanovic
Les chaînes de télévision traditionnelles contre-attaquent
Face à ces changements sur le front de la vidéo à la demande, les chaînes de télévision traditionnelles s'organisent avec les mêmes outils. Les télévisions nordiques ont rassemblé tous leurs contenus sur une plateforme commune. En France, TF1, M6 et France Télévisions s'associent pour créer le service Salto l'année prochaine.
Une plateforme avec du contenu exclusivement suisse est également en projet. Prévu pour 2020, ce service sera compris dans la redevance et mettra en commun des programmes de toutes les régions linguistiques traduits dans les autres langues nationales. "Pour utiliser la plateforme, il ne faudra pas nécessairement avoir une connaissance de notre offre broadcast", explique dans TTC Bakel Walden, directeur Développement et offre à la SSR. "Le service sera proposé par thème et par genre de programme, soit un accès facilité aux différents contenus."
(dg)