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Une brochure destinée aux médias pour mieux traiter la problématique du suicide

Leonore Dupanloup [Stop Suicide]
Médiatisation du suicide: une brochure pour guider les rédactions / Médialogues / 20 min. / le 27 mai 2022
Stop Suicide a conçu une brochure pour guider les médias romands dans le traitement de la thématique du suicide. La responsable communication et prévention média de l'association, Léonore Dupanloup, était l'invitée de Médialogues vendredi pour présenter le document, qui vise à déstigmatiser et prévenir le suicide.

Il n'est pas évident de médiatiser les suicides. Une mauvaise formulation ou un titre maladroit peuvent encourager un passage à l'acte et provoquer l'effet Werther. Au contraire, lorsque les mots justes sont utilisés, cela favorise l'effet Papageno, qui prévient la contagion suicidaire.

Invitée vendredi dans l'émission Médialogues, Léonore Dupanloup, responsable communication et prévention média de l'association Stop Suicide, a présenté le contenu de la nouvelle brochure à destination des professionnels et professionnelles des rédactions romandes pour les guider dans le traitement de la thématique du suicide. Le document, réalisé avec le soutien du service de la santé publique du canton de Neuchâtel, a pour but de concilier les enjeux médiatiques avec ceux relatifs à la prévention du phénomène.

"La plupart du temps, les journalistes pensent qu'il ne faut pas parler du suicide pour éviter l'effet Werther", a relevé Léonore Dupanloup, qui décrit un "souci de bien faire et de ne pas entraîner des effets négatifs". Or, selon la spécialiste, il est important que les médias s'emparent de ce sujet, car il est aujourd'hui encore tabou. "Plus on va en parler, plus on va aider à la prévention", a-t-elle avancé.

>> Réécouter le sujet de CQFD sur la contagion du suicide avec Léonore Dupanloup :

Les médias, suivant la manière dont ils traitent l'information, peuvent favoriser une sorte de contagion du suicide. 
dzmitry
Fotolia [dzmitry]dzmitry
Lutter contre la contagion du suicide / CQFD / 12 min. / le 9 janvier 2019

Mais pour que la prévention contre le suicide soit effective, il est nécessaire d'en parler de manière adéquate. La médiatisation de cette problématique peut en effet générer des comportements non désirés. L'effet Werther, du nom d'un personnage d'un livre de l'auteur Johann Wolfgang von Goethe (lire encadré), contient une composante incitative. Les suicides très médiatisés de Marilyn Monroe ou plus récemment Robin Williams en sont de parfaits exemples: ces événements ont en effet entraîné dans les mois suivants une hausse statistique des cas de suicide parmi la population.

A l'opposé, l'effet Papageno, qui tire ses origines d'un personnage de l'opéra "La flûte enchantée" de Wolfgang Amadeus Mozart (lire encadré), définit un effet plus positif, préventif, que l'action de Stop Suicide vise à favoriser à travers sa brochure pour les médias. Les deux effets se manifestent à la fois sur le court terme, principalement sur les personnes concernées, et sur le long terme à l'échelle sociétale, indique le document.

Eviter l'effet incitatif

Dans cette brochure, l'association s'est basée sur les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de médiatisation du suicide. Elle préconise notamment de ne pas mentionner la méthode utilisée pour l'acte. "C'est un des éléments qui peut le plus jouer dans l'effet Werther", a expliqué Léonore Dupanloup, car cela rend "concret le geste suicidaire dans l'esprit des personnes qui vont voir, lire ou entendre un sujet".

Pour la même raison, les médias devraient également éviter d'évoquer les lieux des incidents, même lorsque les autorités entament des travaux pour sécuriser les périmètres. "Plus on va parler d'un lieu de suicide, plus on va renforcer la vision de ce lieu en tant que lieu de suicide" et le rendre ainsi "attractif", en particulier aux yeux des personnes en processus suicidaire, a ajouté la responsable.

Afin de lutter contre la désinformation sur le suicide, l'association Stop Suicide recommande de ne pas partager ces idées reçues. [Stop Suicide]
Afin de lutter contre la désinformation sur le suicide, l'association Stop Suicide recommande de ne pas partager ces idées reçues. [Stop Suicide]

Les témoignages peuvent être bénéfiques à la prévention lorsqu'ils mettent en avant des solutions pour faire face à des événements de vie difficiles ou qu'ils inspirent de l'espoir, indique aussi Stop Suicide.

L'association démonte par ailleurs certaines idées reçues qui constituent des obstacles à la prévention du suicide. Ainsi, les médias ne devraient par exemple pas décrire le suicide comme un choix personnel ou rationnel qui serait inévitable, mais plutôt faire mention des souffrances intenses que subit la personne, auxquelles elle veut mettre fin et qui l'empêchent de penser rationnellement et de percevoir des solutions.

Choisir les mots justes

L'association Stop Suicide met également en garde les médias contre certaines formulations maladroites. La brochure propose des alternatives plus neutres permettant d'éviter le sensationnalisme et la stigmatisation du suicide.

Il ne faudrait ainsi pas dire qu'une tentative de suicide est "ratée", mais plutôt "non aboutie" ou "non fatale", car la notion d'échec est dans ce cas inappropriée. "On peut trouver des formulations qui n'auront pas ce jugement de valeur par rapport au geste", a rappelé Léonore Dupanloup.

Un tableau qui récapitule le vocabulaire recommandé par l'association Stop Suicide pour éviter le sensationnalisme et une vision stigmatisante de la problématique du suicide. [Stop Suicide]
Un tableau qui récapitule le vocabulaire recommandé par l'association Stop Suicide pour éviter le sensationnalisme et une vision stigmatisante de la problématique du suicide. [Stop Suicide]

Stop Suicide recommande par ailleurs aux médias de mentionner systématiquement les ressources d'aide lorsque la problématique du suicide est abordée.

Si le document est destiné avant tout aux journalistes, elle donne aussi des outils à tout un chacun pour lire, écouter ou regarder différemment les informations liées au suicide.

Propos recueillis par Antoine Droux

Adaptation web: Isabel Ares

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Où trouver de l'aide?

Sur internet:

Par téléphone:

  • 147: Pro Juventute – Ecoute et conseils pour les jeunes (147.ch)

  • 143: La Main Tendue – Ecoute et conseils pour les adultes (143.ch)

  • 144: Ambulances – Urgences

Origine des effets Werther et Papageno

L'effet Werther tire son nom du roman de Johann Wolfgang von Goethe "Les souffrances du jeune Werther". Dans cet ouvrage paru en 1774, le héros se suicide après avoir été repoussé par la femme qu'il aime. Le livre devient à l'époque un bestseller et aurait entraîné une série d'imitations dans la population, jusqu'à donner aujourd'hui son nom au phénomène de contagion suicidaire.

Le nom attribué à l'effet Papageno provient quant à lui de l'oeuvre de Wolfgang Amadeus Mozart intitulée "La flûte enchantée". Dans cet opéra, le personnage de Papageno, qui croit avoir perdu son amour nommée Papagena, prépare son suicide. Mais avant qu'il ne mette fin à ses jours, des personnages lui montrent que d'autres issues sont possibles. Papageno va ainsi inspirer le nom donné à l'effet préventif du risque suicidaire.