A force d'entendre parler de Covid-19, de guerres, de catastrophes naturelles ou encore de corruption et de crise climatique, le public semble se lasser des informations. Ce phénomène de l'épuisement informationnel, ou "news fatigue", est mondial.
Dans le dernier rapport annuel de l'Institut Reuters, près de la moitié (42%) des personnes interrogées déclarent éviter activement, parfois ou souvent, toute information.
Pour Philippe Amez-Droz, économiste des médias et professeur à l'Université de Genève, cette situation n'est pas étonnante. "Nous sommes à la fin d'un cycle lié à la pandémie qui produit un phénomène de cure d'information", explique-t-il.
Une désertion informationnelle
Aux Etats-Unis, le taux de consultation des médias cette année s'est effondré au premier semestre, alors que les chiffres étaient déjà en baisse en 2021 par rapport à l'année précédente en raison de la crise de Covid-19 qui a accaparé les informations.
Le nombre de clics sur des articles postés sur les réseaux sociaux est également en baisse de moitié par rapport à 2021, selon des chiffres du média américain Axios. Les grandes éditions d'information sur les chaînes câblées, telles que CNN, Fox News ou MSNBC, ont perdu 19% de leurs téléspectateurs. Les grands sites enregistrent quant à eux une baisse de 18% de leurs visites.
Le constat est similaire en Europe, où le public se détourne aussi des médias. "Ces grandes tendances se vérifient partout, à des rythmes légèrement différents", confirme Nic Newman, coauteur du rapport de l'institut de journalisme. "Les personnes évitent les informations soit parce qu'elles ont mieux à faire, soit parce que ça les déprime."
La Suisse ne semble pas épargnée
Selon Philippe Amez-Droz, la Suisse fait plutôt figure d'exception. "Le marché suisse se caractérise par une grande qualité et une grande consommation de l'information", affirme-t-il. "Cette sensibilité de s'informer auprès de bonnes sources est plutôt réjouissante." La population suisse serait l'une des plus grandes consommatrices d'articles, avec les Suédois et les Japonais, d'après l'économiste.
Mais Nic Newman, qui confirme que les Suisses sont parmi les plus informés d'Europe, ne se montre pas aussi optimiste. "Nous avons observé l'augmentation du phénomène de déconnexion en Suisse également. Les personnes disent éviter les informations, car elles sont trop négatives ou car elles contiennent trop de politique", rapporte-t-il.
Si la tendance à l'épuisement informationnel touche la Suisse de manière moins importante, cela reste un avertissement pour les entreprises médiatiques, prévient le Britannique. "Elles doivent réfléchir à comment rendre leur contenu plus pertinent et attirant, et comment cibler plus directement les besoins du public."
Benjamin Luis/iar