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L'usage des émojis sous la loupe de la recherche scientifique

L'utilisation des émojis dans la communication numérique interroge la recherche universitaire. [AFP - TENGKU Bahar]
Les émojis intéressent la recherche sur les émotions: interview de Aris Xanthos / Le 12h30 / 3 min. / le 12 septembre 2022
Les modes de communication en ligne ont évolué rapidement ces dernières années au contact du numérique. Pour étudier ces évolutions, des scientifiques suisses lancent un appel aux dons de conversations WhatsApp afin de mieux comprendre les subtilités qui entourent l'usage des émojis.

Le projet de recherche universitaire "What's new, Switzerland?", financé par le Fonds national suisse de la recherche (FNS), cherche à étudier l'évolution du langage - et de ses ambiguïtés - à travers le numérique. Il est mené au sein du consortium NCCR Evolving Language, un pôle national de recherche interdisciplinaire autour du langage, au carrefour des sciences sociales, linguistiques, informatiques et des sciences naturelles.

"Ce grand projet national vise à étudier l'évolution du langage depuis ses origines jusqu'à ses développements les plus récents liés aux nouvelles technologies", précise Aris Xanthos, maître d'enseignement en sciences du langage et de l'information à l'Université de Lausanne, interrogé lundi dans le 12h30.

Dans ce cadre, "What's new, Switzerland?" cherche à étudier comment les humains communiquent leurs émotions par le biais des messageries numériques instantanées, en particulier sur WhatsApp. Les scientifiques s'intéressent notamment à l'évolution de l'usage des émojis, qui jouent désormais souvent un rôle important.

"On sait déjà qu'ils sont utilisés pour clarifier le sens des messages ou pour maintenir un certain climat dans la conversation. Parfois aussi à des fins purement esthétiques", expose le chercheur de l'Unil. "Mais on constate aussi qu'ils ont un potentiel assez important à engendrer des ambiguités." Il souligne aussi qu'en plus des dynamiques globales liées à l'apparition des émojis dans les différentes technologies, des dynamiques internes aux conversations se développent également.

Améliorer la lutte contre le cyber-harcèlement

Un appel aux dons de conversations WhatsApp a ainsi été lancé lundi. Car le projet dispose déjà d'une base de donnée de conversations, mais celles-ci ont été collectées dans le cadre d'une première étude de ce type en Suisse, "What’s up, Switzerland?" entre 2010 et 2014. Soit une éternité au regard de la vitesse à laquelle les codes et pratiques numériques se sont répandues et ont muté ces dernières années.

Les scientifiques cherchent donc à créer un corpus plus récent qui puisse être comparé afin de voir comment la communication des émotions a évolué en huit ans avec, par exemple, l’introduction de nouveaux émojis, le développement des stickers ou encore l’intégration des gifs.

"Pour nous, disposer de conversations authentiques à analyser, c'est un premier pas vers des applications plus concrètes, comme la détection du cyber-harcèlement", explique encore Aris Xanthos.

>> Lire à ce sujet : Pas si innocents, les émojis peuvent être portés devant les tribunaux

L'étude portera sur des conversations dans les quatre langues nationales ainsi que l'anglais. Elle vise également à améliorer les modèles de traitement automatique des langues (NLP) dans des langues peu documentées, comme le romanche ou les dialectes suisse-allemands.

Anonymat garanti

L'appel s'adresse à toute personne de plus de 16 ans résidente en Suisse. Toute la procédure est expliquée en ligne, sur la page dédiée à la collecte de données. Par ailleurs, l'étude est strictement indépendante des géants du numérique et la protection des données est prise très au sérieux.

"Il y a plusieurs phases automatisées pour retirer des chats tout ce qui relève des informations personnelles, noms, adresses ou numéros. Les utilisateurs ont aussi la possibilité de spécifier des termes qu'ils voudraient qu'on masque, par exemple des surnoms. Et les données originales seront entièrement détruites, on ne conserve à la fin que les données anonymisées qui sont réservées à un usage strictement scientifique", précise Aris Xanthos.

Propos recueillis par Yann Amedro

Adaptation web: Pierrik Jordan

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