Le rassemblement a débuté en fin de matinée à la gare de Lausanne, où les journalistes vaudois ont accueilli leurs collègues genevois. Un cortège formé de près de 200 collaborateurs a ensuite rejoint l'ancienne tour Edipresse, devant les bureaux de Tamedia et de 20 minutes, pour protester contre les licenciements en cours depuis mardi. Environ 10% des effectifs sont touchés en Suisse romande, soit 28 postes.
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La manifestation réunissait des journalistes et collaborateurs et collaboratrices de 24 heures, de la Tribune de Genève, de la rédaction T (rédaction commune des titres romands de Tamedia). Ils ont été rejoints par leurs collègues de la rédaction de 20 minutes, qui comprend lematin.ch et Sport-Center. La filiale de l'éditeur alémanique TX Group est également touchée par la suppression de 28 postes.
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Devant les manifestants, le journaliste Julien Baumann a déploré, au nom de 20 minutes, lematin.ch et Sport Center, que "TX Group se sépare en cours de route des premiers de cordée pour atteindre plus rapidement les sommets". Il a dit le "profond désarroi" de la rédaction devant ce "manque manifeste de reconnaissance" et a demandé à TX Group de "limiter la casse".
A Zurich et Genève, des débrayages ont également eu lieu. Selon le syndicat Impressum, quelque 300 personnes ont protesté devant le portique de TX Group dans la ville alémanique.
Des mesures jugées incompréhensibles
"Il y a énormément d'incompréhension. Les gens ont le visage creusé. Il y a beaucoup de personnes qui sont volontairement restées en télétravail pour éviter d'être là ces derniers jours", a rapporté sur place Erwan Le Bec, président de la Société des collaborateurs de 24 heures, dans le 12h30 de la RTS.
"Le lectorat de 24 heures augmente. Nous ne comprenons pas pourquoi nous devons subir aujourd'hui ces coupes", a-t-il souligné. Il a aussi rappelé devant ses pairs qu'en 2009 Edipresse comptait 1500 employés. Aujourd'hui, il reste à peine 400 collaborateurs et collaboratrices.
Les syndicats, la presse ainsi que plusieurs personnalités politiques de gauche sont venues apporter leur soutien au personnel. Parmi eux, le conseiller national et candidat au Conseil des Etats Raphaël Mahaim. Le Vert a réitéré son appel aux gouvernements romands, leur demandant de se réveiller face au démantèlement de la presse romande et au danger encouru par la démocratie.
Les employés concernés convoqués
La mobilisation marque la fin de la procédure de consultation entre les syndicats et la direction pour les titres payants de Tamedia (24 heures, la Tribune de Genève et Le Matin Dimanche). Depuis lundi matin, les employés concernés sont convoqués un à un pour se voir signifier leur licenciement.
Erwan Le Bec, qui a participé à la procédure de consultation, a évoqué le dévouement des collaborateurs et collaboratrices pendant la pandémie et lors des élections fédérales notamment. "Ce sont parfois des collègues qui ont donné 20 ans de leur vie à Edipresse, et maintenant à Tamedia et TX Group, et qui voient leur carrière s'arrêter en quelques minutes."
D'après les informations de la RTS, sur les 28 personnes concernées par des licenciements à Tamedia, 16 auraient choisi l'option du départ "volontaire", parmi lesquelles neuf partiraient en retraite anticipée. Les autres départs concerneraient moins d'une dizaine de personnes, dont trois collaborateurs de 24 heures. Des chiffres officiels doivent être communiqués d'ici la fin de la journée.
mc/iar avec l'ats
Pierre Ruetschi: "Là où il n'y pas de bonne presse, il n'y a pas de bonne démocratie"
Pierre Ruetschi, ancien rédacteur en chef de la Tribune de Genève, est inquiet pour l'avenir du journalisme en Suisse romande. "Il suffit de voir toutes les disparitions de titres et suppressions de postes ces dernières décennies, sans compter les dernières mesures annoncées récemment. Tout cela a coûté très cher au journalisme et à la qualité de l'information", explique-t-il dans le 19h30.
Il en va, selon lui, de la bonne santé de la démocratie. "Ce n'est pas une formule, c'est une réalité. Là où il n'y a pas de bonne presse, il n'y a pas de bonne démocratie."
Surtout que TX Group est profitable, notamment grâce à ses sites de petites annonces, comme il le souligne. "Avec l'avènement d'internet, les petites annonces, qui constituaient une ressource très importante pour les journaux, ont été sorties des titres et placées sur le digital, dans un groupe à part qui s'appelle TX Market. Et aujourd'hui, ce marché des petites annonces est très profitable. Si on fusionnait tout cela, on aurait une rentabilité suffisante pour les journaux."
Il déplore en outre le pouvoir des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), notamment sur le marché de la publicité. "Les revenus du digital, qui sont l'avenir des médias, sont amputés de tout ce que les GAFAM prennent sur le dos des médias", déplore-t-il encore, insistant sur les solutions qui doivent être, selon lui, politiques. "D'autres pays ont pris des mesures pour cadrer les GAFAM. En Suisse, il y a encore un certain nombre de choses à faire sur ce point."