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Des groupes WhatsApp massifs et problématiques signalés aux parents d'élèves valaisans

Le danger des contenus illégaux sur les groupes Whatsapp chez les adolescents (vidéo)
Le danger des contenus illégaux sur les groupes Whatsapp chez les adolescents (vidéo) / La Matinale / 4 min. / le 19 janvier 2024
En Valais, les écoles commencent à alerter les parents sur les dangers de WhatsApp. Des contenus problématiques, parfois même illégaux, y sont partagés sur des groupes et peuvent avoir des conséquences bien tangibles, sans que les élèves n'en aient forcément conscience.

Le cycle d'orientation de St-Maurice a été le premier dans le canton à s'adresser aux parents cet automne. La direction avait découvert que des vidéos de bagarres, des photos dénudées et des incitations au suicide étaient partagées sur un groupe réunissant 80 élèves. Une ampleur alors inédite pour le Service cantonal de l'enseignement.

>> Lire à ce sujet : Des parents alertés sur un groupe WhatsApp problématique dans une école de Saint-Maurice

Depuis, les écoles primaires et secondaires de Martigny ont aussi écrit aux parents, pour des contenus similaires. Les directions demandent aux adultes de s'assurer que leurs enfants quittent "un groupe WhatsApp qui recrute à large échelle".

"Ajoutez tous vos potes"

Bien plus large, en effet, puisqu'un élève du cycle d'orientation parle de plus de 1100 membres. "Le groupe s'appelait 'Ajoutez tous vos potes'", témoigne-t-il dans La Matinale. "Dans la description, c'était écrit: pas de racisme, pas d'homophobie, etc... Mais le soir où j'y étais, il y avait quelques trucs racistes ou homophobes", poursuit-il, évoquant des "milliers de messages" postés en l'espace de 24 heures.

"C'était une surprise totale", témoigne sa mère. "Je remercie la direction des écoles de nous avoir rendu attentifs, parce que je pense qu'il n'a pas pris la mesure de ce que c'était, il n'est pas venu spontanément en parler."

Pourtant, le phénomène n'est pas nouveau. "Ça commence à faire quelque temps que ce genre de groupes existent", souligne Noemi Knobel, conférencière et formatrice sur le sujet des écrans et de l'éducation, interrogée vendredi dans La Matinale.

La spécialiste salue la réaction de l'école: "L'adulte doit se remettre au courant pour pouvoir accompagner les jeunes", qui sont parfois très seuls face à certaines images choquantes, prévient-elle. "Même s'il y a des endroits où il peut en parler, il n'en parle pas. C'est du contenu violent qui est vu et qui est gardé pour soi."

Responsabilité pénale

La question est d'autant plus importante qu'il existe une responsabilité pénale pour la diffusion de contenus illégaux. On ne l'imagine pas forcément, mais la justice poursuit de plus en plus de jeunes en Suisse pour pornographie enfantine.

"Avant 16 ans, il est interdit de publier une photo de soi à caractère sexuel. C'est punissable par la loi", rappelle Noemi Knobel. "À partir de 16 ans, c'est possible auprès de certaines personnes, avec le consentement. Et dès 18 ans, ces droits sont élargis."

En 2022, la barre des 1000 procédures a été franchie. Et selon la presse alémanique, à Zurich, la police perquisitionne chaque semaine le domicile de jeunes adolescents de 13 ans et demi en moyenne. Dans ces cas-là, leur téléphone est saisi et ils sont emmenés au poste.

C'est donc pour éviter d'en arriver là que le directeur du cycle d'orientation de Martigny a écrit aux parents. "C'est important de collaborer, parce qu'on est parfois surpris: quand l'enfant arrive à l'école, avec l'effet de groupe, il n'a plus la même attitude qu'à la maison", explique-t-il.

Selon lui, il est important d'avoir régulièrement un dialogue à la maison. "Parce que le réseau social n'est pas quelque chose qui doit faire peur, qui est dangereux en soi. Mais l'utilisation sans garde-fou, sans avoir quelques règles ou outils de prévention, peut être dangereuse", poursuit-il.

"Pour moi, il faut reparler de sexualité depuis le début, et aborder aussi la pornographie", abonde Noemi Knobel. "Plus un enfant est jeune, plus on doit lui apprendre à dire stop, à bloquer, à signaler."

La familiarité, faux sentiment de sécurité

WhatsApp est d'ailleurs interdit aux moins de 16 ans, mais on sait que cette limite d'âge n'est pas respectée. D'une part, parce que rien n'empêche techniquement à un enfant d'installer l'application. Mais surtout parce que les parents tolèrent généralement cet outil, ludique et pratique pour communiquer en famille. Comme eux-mêmes utilisent cette application, elle leur paraît plus inoffensive que d'autres.

Or, c'est tout le contraire. Sur des applications comme Instagram ou Snapchat, quand les images violentes ou pornographiques ne sont pas tout simplement bannies, elles sont au moins floutées a priori, et il faut cliquer pour les voir. Ce n'est pas le cas sur WhatsApp, où une jeune personne peut se trouver confrontée à des contenus problématiques sans aucune action ni intention de sa part.

Noemi Knobel, elle, se veut optimiste: "J'ai assez confiance en la jeunesse", dit-elle, assurant que la réponse à ces problématiques viendra des jeunes.

>> Son interview complète:

Propos recueillis par Valérie Hauert
Sujet radio: Romain Carrupt
Texte web: Pierrik Jordan

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