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Entre Facebook et médias, "la relation a toujours été du fort au faible"

Facebook a annoncé une réorientation stratégique en réponse à la baisse constante du nombre de publications personnelles par les utilisateurs du réseau social. [DPA - AFP - Oliver Berg]
Facebook a annoncé une réorientation stratégique en réponse à la baisse constante du nombre de publications personnelles par les utilisateurs du réseau social. - [DPA - AFP - Oliver Berg]
Facebook vient d'annoncer son plus important changement d'algorithme depuis plusieurs années, destiné à favoriser les contenus personnels des utilisateurs. Mauvaise nouvelle pour de nombreux médias dépendant du réseau social.

Mark Zuckerberg, le fondateur du réseau social aux 2 milliards d'utilisateurs, a annoncé jeudi une modification majeure dans la hiérarchisation des publications apparaissant sur les fils d'actualité.

Dans les semaines qui viennent, les photographies, vidéos et statuts publiés par des proches seront privilégiés au détriment des pages d'organisations, de marques ou de médias. Objectif affiché: favoriser les interactions personnelles et revenir finalement à ce qu'était Facebook à ses débuts.

>> Lire : Facebook privilégiera la famille et les amis dans son fil d'actualité

Publications personnelles en recul

Cette refonte est une tentative de réponse à la baisse constante du nombre de publications personnelles par les utilisateurs du réseau social.

"Les gens ont de moins en moins envie de partager des éléments de leur vie sur Facebook et utilisent d’autres canaux pour discuter avec leur réseau, en étant dans un rapport plus privé", explique Yann Guégan, spécialiste des médias et du numérique.

"Ce phénomène est dangereux pour Facebook car l’activité y dépend de plus en plus des pages et des marques. Le réseau s’inquiète que cela ne suffise plus pour retenir les gens dans l’application", ce qui est finalement le coeur du business du réseau social, poursuit le journaliste et consultant français.

Ce dernier juge la décision cohérente d'un point de vue stratégique pour Facebook, d'autant qu'elle l'exonère dans le même temps des désagréments liés au statut de diffuseur d'informations (obligation de superviser et éventuellement censurer les informations qui circulent, afin d'éviter d'être taxé de vecteur de "fake news").

Un changement prévisible

Cette réorientation de la stratégie était prévisible. Des annonces dans la même veine avaient déjà été faites en avril 2015, puis en juin 2016.

Et en octobre dernier un projet pilote, consistant à totalement sortir les publications de médias du fil d'actualité principal et à les déplacer vers un fil secondaire, a été lancé dans six petits pays (Sri Lanka, Guatemala, Bolivie, Cambodge, Serbie et Slovaquie).

Sur le moment, plusieurs responsables de médias concernés ont dénoncé des conséquences "catastrophiques" en termes de trafic vers leur site. Si leur bilan trois mois plus tard n'est pas connu, de nombreux médias se sont fendus de prédictions tout aussi alarmistes après l'annonce de jeudi.

Impact variable selon les médias

"Cette décision va avoir un impact fort, mais pas pour tous les médias", tempère Yann Guégan. Logiquement, la pilule risque surtout d'être difficile à avaler pour ceux dont le trafic dépend beaucoup, voire exclusivement du réseau social. "C'est par exemple une très mauvaise nouvelle pour tous les médias qui avaient misé sur la vidéo spécifiquement destinée à Facebook", relève le consultant.

Le coup risque d'être d'autant plus difficile à encaisser que Facebook multipliait depuis quelques années les opérations séduction en direction de la presse, comptant sur elle pour crédibiliser l'information en circulation.

En novembre dernier, une enquête a notamment révélé l'existence de partenariats juteux liant le réseau social à des médias prestigieux.

>> Lire : Avec ses millions, Facebook paie les médias pour les "aider" à être visibles

Les médias ont "peu à gagner de Facebook"

Pour Yann Guégan, les médias doivent savoir qu'ils ont peu à gagner à construire leur stratégie autour de Facebook. "Un écosystème s’est développé (...) mais il y avait forcément une part un peu artificielle dans tout ça, et c’était surtout fragile. (...) On savait déjà que cela créait une grande dépendance et beaucoup d’analystes ont signalé que Facebook n’était pas un circuit de distribution de l’information très sain à terme", rappelle-t-il.

Et d'ajouter: "Facebook et les médias, cela a toujours été une relation du fort au faible. Comme les gens passent une bonne partie de leur vie numérique sur ce réseau social, il est difficile de ne pas avoir envie de rentrer s'il vous ouvre la porte. Mais Facebook est très pragmatique, (...) et s'il constate qu'il perd l’intérêt de ses utilisateurs il corrigera le tir, même si cela fait des dégâts autour."

Une relation gagnant-gagnant serait selon lui possible, à condition pour le média d’être aussi pragmatique dans son approche que Facebook l’est de son côté. A savoir, limiter le poids de Facebook dans l’acquisition de l’audience et diversifier les réseaux sociaux utilisés.

Pauline Turuban

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