Très schématiquement, il s'agit de viande, de poissons ou de fruits de mer cultivés in vitro. Une idée qui peut paraître saugrenue mais qui est un vrai marché en train de s'ouvrir.
L'industrie voudrait élaborer des produits d'origine animale, sans pour autant élever des bœufs, des poulets ou pêcher des poissons. Pour y parvenir, le principe est d'utiliser des cellules animales en faisant appel à des technologies comme la fermentation, par exemple.
Arômes, parfums et industrie mécanique
Migros s'allie mercredi avec le numéro un mondial des arômes et parfums Givaudan, ainsi qu'avec le groupe Bühler, actif dans l'industrie mécanique pour créer un incubateur, le "Cultured Food Innovation Hub": il ouvrira ses portes l'année prochaine dans la région zurichoise. L'objectif est d'encourager des start-ups à développer ces produits en leur fournissant les équipements, l'infrastructure et les connaissances nécessaires. Le montant de ce projet n'est pas connu.
"Le fait que nous ayons un partenariat entre trois acteurs qui sont éminemment distincts et complémentaires va créer des conditions propices pour l'émergence de nouvelles innovations", note Christian Schwab, directeur du Centre de nutrition de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, au micro de Forum. "La Suisse a été l'un des six premiers pays à voir l'émergence de start-ups dans ce domaine", souligne-t-il: "Nous avons une densité de compétences d'innovation absolument extraordinaire. Et nous avons en plus un trait culturel qui est celui de la collaboration."
Migros n'en est pas à son coup d'essai dans ce domaine, ayant flairé l'odeur de cette viande artificielle depuis un moment déjà. Le géant orange a investi en 2019 dans Aleph Farms, une start-up israélienne qui développe ces produits. Avant Migros, c'est le groupe Bell, en mains de Coop, qui avait lui aussi placé ses billes dans une autre entreprise en pointe sur cette technologie, la néerlandaise Mosa Meat.
>> Lire : Migros investit dans un producteur israélien de viande synthétique
Aujourd'hui,des dizaines de start-ups dans le monde avancent dans ce domaine. L'an dernier, selon l'organisation Good Food Institute, elles ont levé 366 millions de dollars au total, soit six fois plus qu'une année auparavant.
Protection du climat et sécurité alimentaire
Le principal but affiché avec cette viande cultivée en laboratoire est de réduire l'impact climatique dû à la production traditionnelle de viande. Plus d'abattages, ni d'élevages intensifs, pas de carcasses, aucun usage d'antibiotique et une sécurité alimentaire garantie. Voilà ce qu'on peut lire dans le communiqué diffusé ce mercredi matin par Migros et ses partenaires.
Les entreprises cherchent des solutions du côté de l'innovation. Il existe déjà aujourd'hui de la viande à base de protéines végétales. Demain peut-être de la viande créée en laboratoire.
Difficile toutefois de savoir si les amateurs et amatrices de viande vont suivre: "C'est une forme de nourriture qui est un petit peu désincarnée", remarque Christian Schwab. "Il va falloir encore plusieurs années pour comprendre quel type d'application, quel profil de consommateur sera à même d'accepter ce genre de produit."
"Ce qu'on sait avec certitude, c'est que les protéines carnées, comme source de protéines, c'est aujourd'hui intenable, que ce soit en terme d'impact environnemental, en terme de santé publique; il va falloir réduire la production de viande de type 'bœuf traditionnel' et trouver des alternatives. La viande cellulaire en est une, il y a les insectes, dont on parle beaucoup, et il y a toutes les variantes à base de protéines de plantes: il faut voir tout cela dans une logique d'expérimentation et de découverte", souligne-t-il.
Sujet radio: Romain Bardet
Version web: Stéphanie Jaquet