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Un candidat à la présidentielle sud-coréenne utilise un avatar pour séduire les électeurs

En Corée du sud, un candidat à la présidentielle utilise un avatar pour séduire les électeurs. [Keystone - Ahn Young-joon]
Un candidat à la présidentielle sud-coréenne utilise un avatar pour séduire les électeurs / La Matinale / 1 min. / le 16 février 2022
En Corée du Sud, la campagne présidentielle a débuté dans un contexte de crise sanitaire et les principaux candidats s'affrontent surtout en ligne pour succéder à l'actuel président Moon Jae-In. Pour convaincre, l'un d'eux a eu l'idée originale de se créer un avatar avec la technologie deepfake.

Sur l'écran, il a l'apparence du candidat et sa voix. Et pourtant ce n'est pas Yoon Suk-yeol, prétendant à la présidence sud-coréenne, mais "AI Yoon", son avatar produit avec la technologie "deepfake".

Dans un QG de campagne de Séoul, une bande de collaborateurs, jeunes et à la page, utilise l'intelligence artificielle pour tenter l'impossible: rendre cool un responsable politique sexagénaire.

A partir de plusieurs heures d'images du candidat du parti d'opposition, le Pouvoir au peuple (PPP), l'équipe de geeks a créé un avatar numérique de Yoon Suk-yeol et a lâché "AI Yoon" dans l'arène de la campagne électorale en vue de la présidentielle du 9 mars.

Le "deepfake", cette technologie numérique qui permet de créer des simulations hyperréalistes de personnes réelles, avait déjà fait des incursions dans des campagnes numériques. Mais les créateurs d'"AI Yoon" pensent qu'il est le premier avatar deepfake officiel d'un candidat, un concept qui fait mouche en Corée du Sud, pays qui dispose de l'internet le plus rapide au monde en vitesse moyenne.

3000 phrases enregistrées

Les cheveux soigneusement peignés, arborant un élégant costume, l'avatar ressemble à s'y méprendre au candidat sud-coréen. Mais il emploie un langage un peu plus corrosif, avec des phrases calibrées pour devenir virales afin d'attirer les jeunes électeurs.

Le succès est au rendez-vous. AI Yoon a généré des millions de vues depuis son lancement le 1er janvier. Des dizaines de millions de personnes l'ont interrogé, avec souvent des questions peu habituelles en politique. "Le président Moon Jae-in et le candidat du parti au pouvoir Lee Jae-myung se noient. Lequel sauvez-vous?", a demandé un internaute à AI Yoon. "Je leur souhaite bonne chance à tous les deux", a rétorqué l'avatar.

A première vue, AI Yoon pourrait passer pour un vrai candidat, démontrant les progrès réalisés ces dernières années par les vidéos issues de l'intelligence artificielle.

Le candidat Yoon de chair et d'os a enregistré plus de 3000 phrases, soit vingt heures d'audio et de vidéo, pour fournir suffisamment de données à une entreprise sud-coréenne de technologie deepfake chargée de créer l'avatar.

Sept millions de visites

La stratégie s'est révélée payante. Les déclarations d'AI Yoon ont fait la une des médias sud-coréens et sept millions de personnes se sont rendues sur le site "Wiki Yoon" pour interroger l'avatar. "Si on avait produit uniquement des déclarations politiquement correctes, nous n'aurions pas eu ces réactions", assure Baik Kyeong-hoon, le directeur de l'équipe AI Yoon. "L'establishment politique a été trop lent face à une société qui évolue rapidement", ajoute-t-il.

L'avatar a aussi utilisé l'humour pour essayer de détourner l'attention des scandales passés de son candidat Yoon, en disant par exemple avoir reçu des fruits en cadeau de la part d'une entreprise de BTP, quand il était procureur.

"Je ne suis pas redevable devant les kakis et les melons. Je ne suis redevable que devant le peuple", a déclaré AI Yoon, bien que le vrai candidat ait dû reconnaître par la suite qu'il avait accepté certains cadeaux.

ther avec ats

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Technologie autorisée

Le type de langage utilisé par AI Yoon s'inspire de celui en vogue dans le monde des jeux en ligne, explique Kim Myuhng-joo, professeur de sécurité de l'information à la Seoul Women's University. "AI Yoon lit les scripts compilés par ses créateurs, qui parlent franchement", a souligné Kim.

Ko Sam-seog, membre de l'équipe de l'adversaire, Lee Jae-myung, accuse le cyber-candidat de "rabaisser le niveau politique". Mais le sarcasme fonctionne: même si les sondages donnent les deux favoris au coude-à-coude pour l'élection du 9 mars, Yoon Suk-yeol a pris une légère avance sur son rival parmi les électeurs de moins de 30 ans.

Le gendarme électoral de Corée du Sud autorise les avatars de candidats à condition qu'ils soient identifiés comme technologie deepfake et ne diffusent pas de la désinformation.

>> Revoir également le reportage de Mise au point sur les dangers des deepfakes :

Les « Deepfakes » font des ravages
Les « Deepfakes » font des ravages / Mise au point / 16 min. / le 21 mars 2021