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Mise en garde sur l'impact nocif de la compression des sons sur la santé

Un poste de radio vintage. [Fotolia - pinkeyes]
La chronique scientifique - L'évolution du son de la radio en 100 ans d'existence / La Matinale / 3 min. / le 7 mars 2022
L'univers sonore n'a cessé d'évoluer avec le temps et l'être humain s'y habitue sans vraiment prendre la mesure de ces changements. Et la qualité de ce que nous écoutons peut varier avec la compression ou non des sons: cette compression peut avoir un impact néfaste sur notre santé, selon des scientifiques.

Le son est beaucoup moins documenté que les images par exemple que l'on voit se transformer au fil des décennies grâce à la photographie ou au cinéma.

En cliquant sur les images, on peut écouter le son de ces différents objets. [conservethesound.de]
En cliquant sur les images, on peut écouter le son de ces différents objets. [conservethesound.de]

L'environnement sonore subit aussi un très fort impact par les évolutions technologiques et sociétales. Et il a énormément évolué ces dernières décennies: les enfants d'aujourd'hui n'ont probablement aucune idée du son produit par un ancien téléphone à cadran, responsable de nombreuses foulures de l'index, surtout lorsqu'il fallait composer un très long numéro, pour un appel à l'étranger.

Il existe divers sites internet, comme le Museum of Endangered Sounds et Conserve the Sound, où l'on peut retrouver des sons en voie de disparition, comme la musique d'un jeu vidéo, celui d'une disquette en train d'être lue, le moteur qui démarre d'une vieille 2CV, ou encore le déclic d'un vieil appareil de photo.

Une belle initiative à l'heure où beaucoup de bruits du quotidien sont voués à tomber dans les oubliettes de notre Histoire sonore: on ne saura bientôt plus quel bruit faisaient certains types de machines à écrire, des projecteurs de films super-8 ou des fax – à moins de travailler à l'OFSP.

>> Lire : Les annonces de nouveaux cas de coronavirus se font par fax

Une qualité manipulée

A côté de ces changements évidents liés au développement de nouvelles technologies, il y a des évolutions qui passent beaucoup plus inaperçues. En radio, par exemple, les personnes travaillant en régie posent des traitements sonores sur la voix de celles et ceux qui s'expriment au micro afin que leur voix corresponde aux standards actuels.

Si l'on enlève ce traitement, le son semble moins fort, alors qu'il est en fait plus nuancé. Ce son auquel toutes et tous se sont aujourd'hui habitués est très pauvre en terme de qualité, parce qu'il est compressé: les écarts entre les sons forts et faibles sont lissés et les silences naturels supprimés. On obtient ainsi une moyenne plus uniforme qu'il est possible d'entendre, y compris dans un environnement bruyant, comme une rue ou l'habitacle d'une voiture.

Ce procédé vient au départ de la publicité: une industrie voulant attirer l'attention de l'auditoire. Cette technique s'est ensuite étendue à la télévision, la radio et la musique. De nos jours, elle remplace quasi systématiquement le son naturel.

Impact sur la santé auditive

Ce nouveau standard n'est pas anodin: son impact sur notre santé auditive a pu être mesuré scientifiquement.

En France, des spécialistes d'audiologie humaine – de l'Inserm et de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand – ont mené une recherche sur deux groupes de cochons d'Inde; ces animaux ont un système auditif proche du nôtre. L'un a été exposé quotidiennement à de la musique très compressée durant quatre heures, toujours dans la limite légale de ce qui est autorisé pour la compression. Et l'autre groupe à un son "normal", au même volume d'écoute que l'autre groupe.

Après une semaine, les cobayes exposés au son compressé présentaient une fatigue très importante et des réflexes de protection, comme si ces animaux voulaient se boucher les oreilles.

>> Ecouter le Pr. Paul Avan, directeur du Centre de recherche et d'innovation en audiologie humaine à l'Institut de l'audition, parler de son surcompressé durant la 19e Semaine du son, le 19 janvier 2022:

Un résultat qui démontre le lien entre fatigue auditive et compression du son. En conséquence, le monde médical et celui de la musique commencent à se mobiliser: de nouveaux outils et des labels sont mis en place afin de proposer au public des morceaux non compressés et un univers plus qualitatif.

L'idée est de permettre à l'oreille de se rééduquer pour apprécier les silences et les nuances. Des pauses nécessaires car les oreilles, contrairement aux yeux, n'ont pas de paupières qui permettent de se couper de temps de cette surstimulation auditive à laquelle on est habitués aujourd'hui.

>> Ecouter le son d'un 78 tours, un enregistrement de 1948, "Lost April" avec "The King Cole Trio":

Sujet radio: Sophie Iselin

Version web: Stéphanie Jaquet

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