Le télescope spatial James Webb voit déjà des milliers de galaxies lointaines
L'image (en tête d'article) publiée mercredi par le télescope spatial James Webb est un essai et non une observation scientifique officielle. Son but était de se concentrer sur l'étoile brillante au centre pour évaluer l'alignement de ses dix-huit miroirs hexagonaux et déterminer s'ils fonctionnaient bel et bien ensemble pour produire une seule image coordonnée prise à 1,6 million de kilomètres de la Terre (lire encadré).
Non seulement l'image-test est très précise et de bonne qualité, mais elle révèle aussi des milliers d'anciennes galaxies, parfaitement visibles, en arrière-plan de l'étoile visée par le JWST: "Le fait qu'on voit ces galaxies, ce n'est pas surprenant", explique Francesco Pepe, directeur de l'Observatoire de Genève. "C'est la confirmation que tout marche de manière nominale, très bien", dit-il par téléphone, joint par RTSinfo.
Un résultat époustouflant
Les responsables ont déclaré que le résultat était meilleur que prévu: "Nous disposons des images infrarouges de la plus haute résolution jamais réalisée depuis l'espace", s'est enthousiasmé Scott Acton, un des scientifiques de la NASA, dans une vidéo présentant ces résultats effectués le 11 mars: "C'est mieux que ce que tous les modèles prédisaient. Nous sommes ravis à mort!"
L'optique de Webb et la Near InfraRed Camera (NIRCam) sont si sensibles que les galaxies et les étoiles vues en arrière-plan apparaissent clairement. À ce stade de l'alignement des miroirs – une étape-clef appelée "mise en phase fine" (fine phasing en anglais) – chacun des segments du miroir primaire a été ajusté pour produire une image unifiée de la même étoile en utilisant uniquement l'instrument NIRCam. Cette image de l'étoile, appelée 2MASS J17554042+6551277, utilise un filtre rouge pour optimiser le contraste visuel.
Les scientifiques ont déclaré qu'ils avaient le vertige en regardant arriver les dernières photos de test. L'image-test de la NASA visait une étoile cent fois plus faible que ce que l'œil humain peut voir, à 2000 années-lumière. A noter qu'une année-lumière représente près de 9,7 trillions de kilomètres et un trillion (1018) est un million de millions de millions...
Peu de temps après le Big Bang
La forme des miroirs de Webb et ses filtres ont donné à l'étoile scintillante un aspect plus rouge et plus hérissé, mais l'arrière-plan a vraiment volé la vedette: "On ne peut s'empêcher de voir ces milliers de galaxies derrière elle, vraiment magnifiques", a déclaré Jane Rigby, scientifique du projet Webb.
Ces galaxies sont vieilles de plusieurs milliards d'années. À terme, les scientifiques espèrent que Webb verra si loin et remontera tellement dans le temps qu'il observera l'univers que "quelques centaines de millions d'années après le Big Bang", a-t-elle ajouté.
Les premières images scientifiques ne seront pas disponibles avant fin juin ou début juillet: "Je ne peux pas attendre de voir ce qu'il va découvrir!" a confié Scott Acton.
Le JWST, dont le coût s'élève à 10 milliards de dollars – il succède au télescope spatial Hubble, vieux de près de 32 ans – a décollé d'Amérique du Sud en décembre et a atteint son emplacement désigné en janvier: le point Lagrange L2.
Stéphanie Jaquet et les agences
Un processus d'alignement méticuleux
Le mois dernier, la NASA a observé une étoile beaucoup plus proche avec dix-huit images séparées de ses segments de miroir. Le télescope avait été pointé sur une étoile isolée et brillante de la constellation d'Ursa Major, connue sous le nom de HD 84406. Elle a été spécifiquement choisie parce que facilement identifiable et qu'elle n'est pas entourée d'autres étoiles de luminosité similaire.
Chaque point de la mosaïque est identifié par le segment du miroir primaire qui l'a capturé. Ces premiers résultats correspondaient étroitement aux attentes et aux simulations:
Pour achever la première étape de l'alignement, l'équipe a déplacé les segments du miroir primaire afin de disposer les points de lumière de l'étoile en un réseau hexagonal d'images. Chaque point de lumière stellaire est étiqueté avec le segment de miroir correspondant qui l'a capturé:
Ensuite, l'image finale est préparée grâce à l'alignement des dix-huit segments du miroir primaire et du miroir secondaire de Webb à l'aide de mouvements précis commandés depuis le sol:
Pour finir, les scientifiques procèdent à la phase d'empilement des images: les images des segments individuels sont déplacées de manière à ce qu'elles tombent précisément au centre du champ pour produire une image unifiée au lieu de dix-huit séparées.
Ici, les images des dix-huit segments du miroir primaire du JWST sont superposées:
A cette occasion, le télescope avait aussi pris un autoportrait: il sert aux équipes à vérifier l'alignement du miroir avec les instruments scientifiques.