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La spirale est optimale pour déguster un chocolat, selon une recherche

Les spirales en chocolat, des métamatériaux mangeables, développées à l'Université d'Amsterdam. [Twitter - @CorentinCoulais]
La spirale est optimale pour déguster un chocolat, selon une recherche / La Matinale / 1 min. / le 27 avril 2022
Quelle est la bonne forme pour mieux déguster du chocolat? C'est la question posée par une équipe de recherche en métamatériaux. Il semblerait qu'une spirale en 3D, qui se casse en de multiples endroits, est ce que la bouche humaine préfère. Une expérience supplémentaire en plus du goût.

"Meta" vient du grec μετά, qui signifie "au-delà de". Un métamatériau est ainsi un composite artificiel qui présente des propriétés qu'on ne retrouve pas dans un matériau naturel, qui va au-delà. Il peut par exemple être à la fois très léger en étant très résistant, se plier ou se déformer pour avoir des utilisations particulières, ou encore interagir avec la lumière ou d'autres formes d'énergie dans des manières qui n'existent pas dans la nature.

Les possibilités des métamatériaux ont déjà été reconnues dans la science des matériaux et dans l'ingénierie où ils pourraient constituer une révolution. Mais un professeur associé de l'Université d'Amsterdam a laissé de côté le métal et le caoutchouc avec lesquels il travaille au quotidien, pour se pencher sur le potentiel des métamatériaux dans l'industrie alimentaire où la thématique reste pour l'heure inexplorée.

La recherche de Corentin Coulais et de son équipe s'intitule "Métamatériaux mécaniques comestibles avec fracture conçue pour le contrôle de la sensation en bouche". Un long titre qui décrit un sujet très pragmatique et gourmand: "Nous avons créé un métamatériau fait de chocolat qui peut se casser de façon inhabituelle", explique le chercheur dans une vidéo.

>> Des essais géométriques de métachocolats : Des essais géométriques de métachocolats pour trouver la forme optimale au niveau de l'expérience gustative. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]
Des essais géométriques de métachocolats pour trouver la forme optimale au niveau de l'expérience gustative. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]

Il précise à la RTS que son but était ainsi de contrôler la texture du chocolat et non de travailler sur l'absorption de chocs ou de résistance aux vibrations, des problématiques qu'il développe habituellement dans son laboratoire.

Des techniques numériques et de l'impression en trois dimensions ont été combinées: "Nos premiers résultats montrent que les métamatériaux de chocolat donnent une expérience sensorielle améliorée et inattendue". Pour lui, cela donne "un intérêt subjectif à la nourriture en plus de son intérêt objectif".

La quadrature de la cassure

Un chocolat qui craque sous la dent est semble-t-il gustativement plus intéressant que s'il avait seulement bon goût. Et plus il y a de cassures, plus l'expérience est agréable en bouche. L'équipe a testé plusieurs structures, dans l'espoir de trouver celle où le nombre idéal de fractures pourra être programmé dans le matériau.

>> Croquer le chocolat dans le bon sens pour une sensation en bouche optimale : La forme de chocolat doit être croquée d'une certaine façon pour une meilleure sensation en bouche. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]
La forme de chocolat doit être croquée d'une certaine façon pour une meilleure sensation en bouche. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]

Une forme de "S", avec plusieurs plis, a d'abord été testée pour observer comment la pièce allait se casser et comment ces brisures multiples allaient être perçues en bouche. La sensation était meilleure lorsque le chocolat était croqué depuis le dessus, provoquant ainsi plusieurs craquements successifs. Le test a été mené mécaniquement, mais aussi par un panel de dix personnes.

Identifier la meilleure forme

Le nombre d'enroulements de la spirale contrôle directement le nombre de fissures lorsque le matériau est pressé mécaniquement. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]
Le nombre d'enroulements de la spirale contrôle directement le nombre de fissures lorsque le matériau est pressé mécaniquement. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]

Il s'est avéré ensuite que les métamatériaux de chocolat en forme de spirale avaient des propriétés intéressantes et ajustables, selon un article de l'Institut de Physique de l'Université d'Amsterdam. C'est finalement le vortex le plus enroulé qui a été plébicité.

>> Regarder les cassures dans une pièce de métachocolat :

Fracture Chocolate Metamaterial
Fracture Chocolate Metamaterial / L'actu en vidéo / 5 sec. / le 26 avril 2022

"Non seulement le nombre d'enroulements contrôle directement le nombre de fissures lorsque le matériau est pressé mécaniquement, mais le panel de test pouvait également distinguer clairement entre moins et plus de fissures lors de la consommation des chocolats. De plus, des enregistrements sonores ont montré que le son produit par les chocolats lorsqu'ils sont mordus reflète le nombre de fissures", souligne le texte. "Et ça a l'air aussi de faire partie de l'expérience sensorielle quand on croque ce chocolat", rajoute Corentin Coulais.

Il raconte qu'après avoir étudié les formes en "S" et en spirale, lui et son équipe ont aussi "optimisé des structures par ordinateur pour qu'elles soient rigides dans une direction et fragiles dans l'autre. Ce logiciel sert d'ordinaire à créer des géométries pour l'aérospatiale et, là, on l'a utilisé pour le chocolat afin que la pièce soit facile à mordre dans un sens et pas dans l'autre".

>> Selon le modèle informatique, la forme "c" est la plus optimale pour être mordue aisément dans un sens et pas dans l'autre : Différentes formes pour des morsure de forces différentes, générées par ordinateur. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]
Différentes formes pour des morsure de forces différentes, générées par ordinateur. [Institute of Physics, University of Amsterdam - Corentin Coulais]

La texture, le futur de la nourriture?

"C'était une recherche exploratoire, pour s'amuser", remarque le physicien. "Texturer la nourriture n'est pas nouveau, mais nous avons développé un outil quantitatif pour faire cela de façon systématique".

Ces textures innovantes pourraient aussi permettre de développer des alternatives à la viande ou à des nourritures consommant beaucoup de CO2: "Sans gluten et sans gras, c'est moins bon! Une texture intéressante pourra plaire à certaines personnes", avance le chercheur. "Ou on pourrait trouver des développements pour les personnes qui ont des problèmes de mâchoire et n'arrivent pas à mordre, histoire de leur permettre de ne pas manger que de la soupe".

Des développements dans d'autres métamatériaux

Jusqu'à présent, le laboratoire du physicien étudiait surtout comment les matériaux se cassent et comment il est possible de retarder une cassure.

Désormais, ces scientifiques veulent investiguer les manières de guider une fracture dans différents composants: "Cela ne se fait pour l'heure pas encore tellement. Ça peut par exemple être utile pour un casque de vélo, un gilet pare-balles, certaines parties structurelles d'un avion… De pouvoir utiliser ça comme un fusible mécanique. C'est-à-dire 'je sais qu'il y a quelque chose qui va casser, la fracture est inévitable, mais est-ce que je peux guider la fracture pour pouvoir par exemple absorber le plus possible un impact ou l'énergie lors d'un choc'?", conclut Corentin Coulais.

Stéphanie Jaquet

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