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Pourquoi il est urgent de reconnaître l'impact énergétique du streaming

L’impact encore trop sous-estimé du streaming sur notre planète: interview de Bela Loto
L’impact encore trop sous-estimé du streaming sur notre planète: interview de Bela Loto / Forum / 7 min. / le 30 août 2022
Des chercheurs suisses ont analysé les effets de notre consommation numérique et pointent du doigt en particulier le streaming. Omniprésent dans notre quotidien, il est très énergivore, mais son aspect dématerialisé rend la prise de conscience difficile.

L'étude de l’Université de Zurich a été réalisée sur mandat de Swico, faîtière du monde de la technologie en Suisse, ainsi que l’association économique Swisscleantech. Elle montre que le numérique contribue globalement à hauteur de 3% aux émissions de CO2.

Et la diffusion en flux est le service le plus gourmand en bande passante: le streaming, qu'il soit musical, vidéo ou lié à des visioconférences, est lourd de conséquences en matière de consommation d'énergie et d'empreinte carbone.

Les chercheurs citent en exemple les quelque 4,6 milliards d'écoutes de la célébrissime chanson "Despacito" en moins d'un an (8 milliards aujourd'hui). Ce streaming a consommé autant d'électricité que cinq pays d'Afrique réunis: le Tchad, la Guinée-Bissau, la Somalie, la Sierra Leone et la République centrafricaine.

"Le streaming est faussement dématérialisé"

Interrogée mardi dans l'émission Forum de la RTS, Bela Loto, fondatrice de l'association française Point de M.I.R. (Maison de l'Informatique Responsable), souligne que cette comparaison concrétise cet impact.

"Il ne faut pas oublier que lorsqu'on 'streame', on a un terminal qui nous permet de le faire", note cette militante en faveur d'un numérique plus responsable. "On pourrait dire que le streaming est immatériel, c'est ce qu'on en entend très souvent, mais c'est faussement dématérialisé: il faut des serveurs, des réseaux et des terminaux (smartphone, ordinateur, TV, etc). C'est ce qui va être le plus consommateur et avoir l'impact environnemental le plus fort du fait de leur fabrication".

"On ne va pas dire aux gens que le streaming pollue"

"Il y a beaucoup de choses qui nous facilitent la vie, mais dont on ne mesure pas les impacts ou les conséquences, cela ne nous intéresse pas de le savoir", poursuit Bela Loto. "Et si on doit vendre des services de streaming, on ne va pas dire aux gens que cela pollue énormément".

Il faut donc une prise de conscience, mais celle-ci est difficile "puisqu'on nous a vendu le streaming sous forme de dématérialisation (...), d'un 'cloud' qui fait rêver", relève encore la fondatrice de Point de M.I.R.

"La bonne pratique est d'allonger la durée de vie du matériel"

L'information et la sensibilisation sont donc d'autant plus importantes, auprès des jeunes notamment. Mais les bonnes pratiques doivent s'étendre à tous les aspects, souligne Bela Loto. "L'achat d'un appareil neuf devrait être repoussé le plus possible. La bonne pratique, c'est d'allonger la durée de vie du matériel, c'est ce qu'il faut garder en tête".

Et les consommateurs ne sont évidemment pas seuls à assumer la responsabilité de cette consommation énergétique démesurée. Les solutions sont aussi du ressort des Etats - qui doivent légiférer - et des entreprises. "Le nerf de la guerre, c'est vendre moins, mais mieux", estime Bela Loto.

Pour réduire la consommation d’électricité du streaming, souligne de son côté l'étude zurichoise, il faudrait privilégier le son et diminuer la résolution ou la taille de l’écran pour regarder une vidéo.

oang avec Tania Sazpinar

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