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"Twitter est pour Elon Musk une solution technologique clé en main pour développer son X app"

"Twitter est pour Elon Musk une solution technologique clé en main pour développer sa X app". [ANADOLU AGENCY VIA AFP - UTKU UCRAK]
Le projet d’Elon Musk pour Twitter… et pour nous: interview d’Asma Mhalla / Tout un monde / 12 min. / le 2 novembre 2022
En rachetant Twitter, Elon Musk souhaite créer une "énorme application": X app. "Il s'agira d'un système majeur de captation de données", estime Asma Mhalla, enseignante à Sciences-Po Paris et à l'Ecole polytechnique, mercredi dans l'émission de la RTS Tout un monde.

"Au-delà du spectacle autour du projet industriel d'Elon Musk - son côté très fantasque, ses tweets incessants et son trolling - il y a la création de X app", avance Asma Mhalla, enseignante à Sciences-Po Paris et à l'Ecole polytechnique.

Que sait-on de X app? Elon Musk souhaite s'inspirer du WeChat chinois, en créant une "énorme application" avec un réseau social, une messagerie privée... "Il s'agira d'un système majeur de captation de données industrielles et personnelles, surtout si on le met en corrélation avec ses autres projets, notamment Starlink (réseau de satellites permettant d'assurer une connexion à internet, n.d.l.r.)."

Et d'ajouter: "A très court terme, il y a un enjeu de rentabilité. A plus long terme, Twitter est pour Elon Musk une solution technologique clé en main pour développer sa X app."

Si Elon Musk devenait un caillou dans la chaussure diplomatique de Joe Biden ou d'un autre président, les Etats-Unis ont les moyens coercitifs, par la loi et les institutions, de le recadrer

Asma Mhalla, enseignante à Sciences-Po Paris et à l'Ecole polytechnique

Le projet X app doit être regardé avec "énormément de vigilance", d'autant plus qu'il "sera adossé à l'idéologie" d'Elon Musk. "Derrière Musk, sur un certain nombre de projets comme SpaceX, il y a la NASA ou le Pentagone. Il y a donc toujours d'une façon ou d'une autre l'Etat américain en contributeur avec un partenariat public-privé officiel ou en le regardant de près. La Maison Blanche ne réagit pas à dessein aux déclarations d'Elon Musk sur l'Ukraine, par exemple, pour ne pas leur donner de l'ampleur."

Toutefois, si Elon Musk devenait un "caillou dans la chaussure diplomatique" de Joe Biden ou d'un autre président, "les Etats-Unis ont les moyens coercitifs, par la loi et les institutions, de le recadrer", estime Asma Mhalla.

La certification, un outil démocratique

Elon Musk a clarifié mardi son premier projet d'ampleur: un abonnement à 8 dollars par mois pour les utilisateurs souhaitant faire certifier leur compte comme authentique. Actuellement, seuls certains profils peuvent demander ce gage d'authenticité, notamment les gouvernements, les entreprises, les médias, les personnalités politiques, culturelles ou sportives, etc.

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"Dans un certain nombre de régimes autoritaires, la certification permet à des journalistes, des opposants ou des activistes de certifier qu'il s'agit bien de leur parole, et donc de ne pas se faire pirater par le gouvernement", souligne la spécialiste des enjeux géopolitiques du numérique.

L'influence de Twitter

L'homme le plus riche au monde a répété depuis le début de l'acquisition de Twitter qu'il voulait renforcer la liberté d'expression sur cette "place publique" essentielle à la démocratie, et que la rentabilité n'était pas sa priorité. "Depuis l'officialisation du rachat de Twitter, il y a eu une explosion de propos et de comptes antisémites et complotistes", indique-t-elle. "La facho-sphère est revenue de façon extrêmement virulente, y compris en Europe."

En comparaison de Facebook, qui compte 3 milliards d'utilisateurs, Twitter et ses 230 millions de comptes est un petit réseau social. "La force de Twitter est son côté prescriptif dans la sphère médiatique et politique. (...) Par exemple, la guerre commerciale entre Trump et la Chine s'est passée sur Twitter. (...) Avec cet achat, Elon Musk s'empare aussi d'une plus grande influence médiatique et politique, mais aussi de la possibilité de fixer l'agenda."

Avec Twitter, Elon Musk s'empare d'une plus grande influence médiatique et politique, mais aussi de la possibilité de fixer l'agenda

Asma Mhalla, enseignante à Sciences-Po Paris et à l'Ecole polytechnique

Asma Mhalla estime qu'il y a la "même logique" avec la concentration de médias traditionnels entre les mains de grands industriels comme Vincent Bolloré. Mais si Twitter devient un espace de complotistes, de violence, de cyberharcèlement, avec Elon Musk qui met de l'huile sur le feu, on pourrait assister à une désertion des utilisateurs. Ce qui ne serait pas dans l'intérêt du nouveau propriétaire, insiste-t-elle.

"Les réseaux sociaux sont de nouvelles armes de guerre où se jouent aussi des guerres et des luttes informationnelles. L'ambivalence des réseaux sociaux est qu'ils sont des espaces publics, et même 'militarisés'. D'un point de vue juridique, ils restent des entreprises privées qui rendent des comptes au marché, et dans le cas de Twitter, à Elon Musk lui-même."

Selon l'enseignante à Sciences-Po Paris, les pouvoirs publics doivent "très vite s'emparer de la question".

Propos recueillis par Eric Guevara-Frey

Adaptation web: Valentin Jordil

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