Frisson de fascination et d'effroi: notre intelligence va-t-elle un jour être égalée voire même dépassée par tous ces outils informatiques qui utilisent l'Intelligence Artificielle (IA)?
La réponse est oui. Mais c'est encore l'affaire de quelques décennies pour que cela soit parfaitement vrai selon Alexandre Pouget, professeur ordinaire du département de neurosciences fondamentale de l'Université de Genève. Et le progrès avance à une vitesse effrénée, notamment depuis une quinzaine d'années.
Pour lui, aucun doute: dans un siècle ou deux, l'IA aura dépassé Homo sapiens: "La différence d'intelligence entre des êtres humains est minuscule par rapport à la différence d'intelligence entre nous et un singe – et même le singe le plus intelligent qui soit", explique le professeur. "Je sais que ce n'est pas facile de penser que la différence entre Einstein et Trump est absolument minuscule, mais elle l'est par rapport à la différence entre l'intelligence d'un être humain et celle d'un singe",
Et le jour où l'on dépassera l'intelligence d'un être humain moyen, ce ne sera plus qu'une question d'années de plus pour dépasser celle de l'être humain le plus intelligent, le parcours le plus difficile ayant été déjà accompli.
Qu'est-ce que l'intelligence, la mémoire, l'expérience?
Et qu'est-ce que l'intelligence? Alexandre Pouget la définit en disant "faire référence à toutes les fonctions contrôlées par le cerveau", car les mêmes principes de calcul sont en jeu, qu'il doive déterminer si on a faim ou soif ou s'il doit démontrer un théorème mathématique ardu.
La vitesse de calcul n'est ici pas en jeu, mais la qualité de l'algorithme. Même problème de définition avec la mémoire. Calculs et mémoire sont séparés dans un ordinateur, mais pas dans le cerveau biologique: "C'est complètement enchevêtré dans le cas d'un système nerveux".
Pour être efficace, une IA va devoir faire comme un cerveau et donner la priorité aux informations les plus importantes parmi toutes celles qui sont reçues en même temps, de plusieurs sources et dans des conditions radicalement différentes: cela se nomme le "poids synaptique".
L'expérience, en somme: "Oui, celle qui est inscrite dans le réseau lui-même et dans la connectivité du réseau". Les ordinateurs n'en sont pas loin: "Cette année a vu le jour un système artificiel avec 500 milliards de paramètres – ces poids synaptiques, ces connexions –, donc on se rapproche des chiffres du cerveau humain. Avec 500 milliards, je pense qu'on a déjà rejoint la connectivité d'un singe".
Tout va très vite
Tout évolue rapidement, mais il y aura encore de nombreuses variables à régler, comme la dynamique permettant de simuler le monde extérieur, le comprendre et anticiper ce qui va s'y passer. Réfléchir. Minimiser les erreurs ou encore réduire la faramineuse consommation en énergie pour des IA performantes.
Et la conscience, la morale, l'éthique et la créativité dans tout ça? L'être humain est-il "le piédestal de l'évolution", comme le dit Alexandre Pouget, ou va-t-elle continuer dans un sens pour l'heure inimaginable?
>> Une IA qui génère des images avec la description que vous lui donnez: crAIyon
>> Une IA pour composer de la musique: AIVA
Sujet radio: Huma Khamis
Article web: Stéphanie Jaquet